Vaches laitières en système herbager : une injection d'oligo-éléments avant le vêlage réduit l'incidence des maladies du péri- partum

Figure n° 1 : Courbe de survie de Kaplan-Meier pour le pourcentage de vaches sans mammite clinique entre 7 jours avant vêlage jusque 100 jours post-partum

La baisse de l'incidence des mammites est surtout observée entre le vêlage et 30 jours post-partum.

© D.R.

Gilles ROUQUET

Membre de la commission nationale Vaches laitières de la SNGTV*

Clinique vétérinaire de la Sienne

(50450 Gavray-sur-Sienne)

Prévention

Une étude de terrain néo-zélandaise montre qu'une supplémentation en oligo-éléments en période pré-partum améliore l'état de santé du troupeau et réduit l'incidence des maladies du péri-partum . Cette période est la plus à risque pour les maladies infectieuses (mammites, métrites) par le stress lié au début de lactation. Même en élevage à très faible incidence de maladies, il existe un bénéfice financier et cela permet de limiter les traitements antibiotiques.

La période péri-partum est une période à risque pour les vaches laitières quel que soit le système d'élevage à cause du stress oxydatif dû au vêlage, au changement de groupe et au démarrage de la lactation. C'est pendant cette période du cycle que l'incidence des mammites sévères augmente ainsi que les maladies métaboliques puis les endométrites, qui n'affecteront pas forcément la santé des vaches laitières mais altéreront les performances de reproduction.

Le rôle des oligo-éléments dans la qualité de la réponse immunitaire et le statut inflammatoire post-partum a déjà été démontré à de nombreuses reprises. Cette étude de terrain a été réalisée sur de grands troupeaux laitiers, en système herbager avec vêlages groupés, commun en Nouvelle-Zélande1 .

Protocole de l'étude

Entre 400 et 450 vaches étaient recrutées au sein des 4 cheptels sélectionnés pour l'étude, soit 1 655 vaches laitières incluses. Seulement la moitié des vaches de chaque cheptel reçoit une injection d'oligo-éléments (Multimin ND, Virbac), l'autre moitié reçoit un placebo. Les conditions d'inclusion sont strictes puisque des vaches présentant des érosions, éversions des trayons, quartiers non fonctionnels sont exclues car ce sont des facteurs favorisant de l'apparition de mammites, de même que les vaches présentant des signes de maladies.

L'ensemble des tarissements sont groupés sur une période de 15 jours. Les vaches en lactation sont complémentées en minéraux et oligo-vitamines via l'eau de boisson. La première partie du tarissement est sans complémentation puis, à 2 à 3 semaines avant la date prévue des vêlages, les vaches étaient préparées, au pâturage avec ensilage de ray-grass et reprise d'une complémentation minérale et oligo-vitaminique via l'eau de boisson et dans la ration distribuée.

Des profils sanguins sont réalisés sur 10 animaux à chaque étape de l'étude : 15 à 28 jours avant tarissement, lors de l'injection de Multimin ND 15 à 28 jours avant vêlage et 24 heures après vêlage.

Les maladies post partum (PP) sont notées par le personnel de l'élevage qui a été formé pour le protocole de l'étude. Elle est axée sur l'incidence des mammites cliniques, le comptage cellulaire et la présence d'endométrites.

Résultats

Effets sur la santé mammaire

Que ce soit à l'échelle de l'individu ou du quartier, l'effet observé de l'injection de Multimin ND avant vêlage est une diminution significative de la prévalence des mammites cliniques d'un peu plus de 50 % (3 % vs 6 %) et de 66 % (1 % vs 3 %) lorsque l'on se place à l'échelle du quartier (figures n° 1 et 2). La baisse de l'incidence des mammites est surtout observée entre le vêlage et 30 jours PP puis il y a une baisse atténuée entre 30 et 60 jours PP pour atteindre un plateau jusqu'à 100 jours PP.

Effet sur les endométrites

L'étude n'a pas mis en évidence de différences significatives sur l'incidence des métrites.

Étude coût/bénéfice de la supplémentation

Le point mort d'une supplémentation réalisée systématiquement sur l'ensemble d'un troupeau est atteint lorsque les pertes s'élèvent à 168 euros pour 100 vaches. En ne considérant que les mammites cliniques, il faut atteindre 8 % d'incidence cumulée (dans les 100 premiers jours de lactation dans le cadre de l'étude) pour que l'opération soit bénéficiaire.

Dans l'étude, la supplémentation était bénéficiaire pour 67 % des troupeaux avec une médiane de 98 euros/100 VL et un maximum de 613 euros/100 VL.

Discussion et avis sur l'étude

L'étude a été réalisée sur des effectifs larges, avec un protocole strict qui permet de rendre les résultats fiables. Cependant les élevages choisis présentent de faibles incidences de mammites et endométrites. La conduite d'élevage est déjà performante, les supplémentations correctement réalisées, c'est pourquoi aucune carence n'a été répertoriée avant la supplémentation.

Cependant, même dans une situation très favorable, la probabilité d'avoir un gain à supplémenter les vaches avec des oligo-éléments à une période clé reste élevée (67 % !) tout du moins pour ce qui concerne l'incidence des mammites cliniques du premier mois de lactation.

Cette étude n'a pas mis en évidence de gain pour l'incidence des endométrites. Mais pour ce point aussi, l'incidence n'est que de 11,7 %, incidence plus faible que celle notée dans d'autres études en conditions d'élevage similaires (15/20 %)2,3 , à fortiori le gain ne peut être que faible.

Ce résultat vient en contradiction avec une étude réalisée en 20134 , aux Etats-Unis, qui met en évidence une baisse de 34 à 28 % de l'incidence des endométrites. Mais l'incidence des endométrites est 3 fois plus importante !

Un autre résultat plus général ressort de cette étude. Les troupeaux inclus dans l'essai ne présentent pas de carence en oligo-éléments avant l'injection. Or une supplémentation d'animaux non carencés permet quand même d'améliorer l'état de santé général. En effet, l'activité des enzymes anti-oxydantes est directement liée à la disponibilité en cuivre et sélénium. Plus ils sont biodisponibles, plus l'activité anti-oxydante sera importante.

Il semble légitime de penser que, dans le cas de troupeaux peu ou pas complémentés, le bénéfice sera encore plus flagrant.

Une supplémentation en oligo-éléments en période pré-partum améliore l'état de santé du troupeau, les différentes études valident ces observations. Cette période est la plus à risque pour les maladies infectieuses (mammites, métrites) par le stress lié au début de lactation. Même en élevage à très faible incidence de maladies, il y a 67 % de chance d'en tirer un bénéfice (même faible) financier.

Sans sélection d'élevage, ce pourcentage serait très probablement supérieur mais, même si ce ne sont que quelques événements évités par élevage, cela représente toujours autant de traitements antibiotiques non utilisés.

* SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

Bibliographie

1 Bates, Wells, Laven, The effect of pre-calving injection of trace mineral supplements on periparturient disease incidence in pasture based dairy cows, The Veterinary Journal, 2022, 286.

2 Mc Dougall et al, Clinical trial of treatment programs for purulent vaginal discharge in lactating dairy cattle in New Zealand, Theriogenology, 2013, 79, 1139-1145.

3 Clews et al, Early vs late metrichecking over diagnosis or missed opportunity, Dairy cattle vets newsletter New Zealand veterinary association, 2018, 35, 41-46.

4 Machado et al, effect of trace mineral supplementation containing selenium, copper, zinc, and manganese on the healthand production of lactating Holstein cows, The Veterinary Journal, 2013, 197, 451-456.

Figure n° 2 : Courbes de survie de Kaplan-Meier pour le pourcentage de quartiers sans mammites entre 7 jours avant vêlage et 100 jours post-partum

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1661

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