Masse mandibulaire et dysphagie chez un chien : quel est votre diagnostic ?
Mercredi 2 Juillet 2025 Animaux de compagnie 53576Les noeuds lymphatiques mandibulaires apparaissent très indurés et de grande taille, cranialement au collier et la mâchoire reste pendante (en permanence), avec une stalactite de salive due au défaut de déglutition associé et à la paralysie du nerf trijumeau.
© D.R.
Claire BEAUDU-LANGE
CEAV et DESV de médecine interne
Vivanima
(76240 Le Mesnil-Esnard)
Exposé
Un chien border collie mâle de 6 ans est présenté pour dysorexie marquée depuis une semaine et dysphagie associée.
Il a reçu en urgence une injection de dexaméthasone (0,1 mg/kg) 3 jours avant et a de nouveau du mal à déglutir eau et nourriture solide depuis 2 jours.
Le propriétaire a remarqué une masse en zone mandibulaire depuis une semaine. Le chien reste actif mais dort beaucoup plus qu'avant.
L'examen clinique révèle une perte d'état corporel (4/9), une paralysie de la mâchoire inférieure expliquant la dysphagie (le chien est incapable de maintenir sa gueule fermée, avec une ptose bilatérale des babines et une perte de sensibilité de la face), une polyadénomégalie marquée, des muqueuses pâles et une splénomégalie ainsi qu'une suspicion d'hépatomégalie à la palpation abdominale.
1/ Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ?
2/ Quels sont les examens complémentaires à proposer ? ■
Réponses
1/ Quelles sont les hypothèses diagnostiques ?
Un lymphome de haut grade est fortement suspecté, de sous-stade b (animal malade au diagnostic), une leucémie étant moins probable.
Face à la taille très importante des noeuds lymphatiques (NL) périphériques, une polyadénopathie liée à une infection fongique bactérienne ou une leishmaniose est moins probable.
2/ Quels sont les examens complémentaires à proposer ?
Une numération formule sanguine est réalisée, montrant une anémie (Hb 9,2 g/dl, valeur usuelle (VU) > 13,1 g/dl) peu régénérative, normochrome normocytaire, une thrombopénie (126.103/µl, VU > 148.103/µl) et une monocytose marquée (5,06.109/l, VU < 1,12.109/l).
Un test de Coombs direct s'avère fortement positif.
Un examen biochimique sanguin montre une forte augmentation de l'activité des enzymes hépatiques ALT (496 UI/l, (VU < 125 UI/l), PAL > 2 000 UI/l (VU < 212 UI/l)) et des GGT à 24 UI/l (VU < 7 UI/l) ainsi qu'une hyperphosphorémie (70 mg/l, VU < 65 mg/l). Le reste des paramètres, dont la calcémie ou la créatininémie ainsi que la glycémie et l'ionogramme, est dans les intervalles de référence.
Une échographie abdominale révèle une polyadénomégalie abdominale et confirme la spléno- et l'hépatomégalie.
Des cytoponctions des NL, de la rate, du foie et de la moelle osseuse sont réalisées et montrent une infiltration massive de tous ces tissus par des cellules lymphoblastiques (93 % d'infiltration de la moelle osseuse par ces cellules). Une leucémie aiguë lymphoblastique ou un lymphome en stade V très avancé sont suspectés.
Un test MDR1 (homozygote normal) est réalisé, la présence d'une double mutation contre-indiquerait toute chimiothérapie en dehors du cyclophosphamide.
Une polychimiothérapie est mise en place (protocole Wisconsin modifié en commençant par de l'endoxan dans l'attente des réponses de l'immunohistochimie, des ponctions de moelle osseuse, et du résultat MDR1).
Le chien entre en rémission rapidement, la paralysie de la mâchoire se résout mais il rechute un mois plus tard, avec réapparition de la paralysie de la mâchoire et des troubles de la préhension des aliments. L'animal est euthanasié 6 semaines après le diagnostic.
Les immunohistochimies réalisées seront plus tard en faveur d'une leucémie lymphoblastique. C.B.-L.