Traitement de longue durée de la dermatite atopique canine : l'intégrer dans un schéma thérapeutique adapté
Mercredi 9 Fevrier 2022 Animaux de compagnie 42867Dermatite atopique chez un chien : lésions du plastron avant traitement.
© Emmanuel Bensignor
Emmanuel BENSIGNOR
Spécialiste en dermatologie
Professeur associé de dermatologie-Oniris
Consultations référées de dermatologie et allergologie à Rennes-Cesson, Paris et Nantes
Dermatologie
Le traitement de la dermatite atopique canine se raisonne différemment selon que la maladie est en phase de poussée ou en phase chronique. Dans le second cas, l'approche doit être multimodale et vise notamment à gérer l'inflammation sur le long cours.
La dermatite atopique canine (DAC) est une dermatite inflammatoire prurigineuse chronique à composante génétique, le plus souvent associée à une hypersensibilité à des allergènes de l'environnement.
Le traitement de la maladie est multimodal ou combiné : en pratique, il n'existe pas de médicament miracle mais une approche globale doit être envisagée en fonction du patient, du stade de sa maladie et de la motivation du propriétaire. Il a été en particulier proposé par le groupe ICADA (comité international de travail sur les dermatites allergiques) de distinguer le traitement des poussées et le traitement des phases chroniques, la seconde situation impliquant d'envisager un traitement de longue durée ou une approche proactive.
Trois axes thérapeutiques
Le traitement des poussées est bien défini : seuls les corticoïdes (topiques ou systémiques), l'oclacitinib et le lokivetmab peuvent être recommandés à l'heure actuelle avec de bons niveaux de preuve. Il s'agit en effet de médicaments efficaces, dont le mécanisme d'action permet un effet rapide, avec peu d'effets secondaires si le traitement est ponctuel et ne dure pas longtemps (avec une préférence toutefois par voie systémique pour l'oclacitinib ou le lokivetmab qui présentent un meilleur rapport bénéfice/risque que les corticoïdes oraux ou injectables).
L'approche multimodale dans le contexte d'un traitement de longue durée est bien différente. Le praticien doit orienter son action sur trois grands axes thérapeutiques. Tout d'abord, la détermination du statut allergologique par tests sérologiques et/ou intradermoréactions et la mise en place de mesures d'éviction quand elles sont possibles en association avec une immunothérapie spécifique.
Ensuite, il faut prendre en compte le défaut de barrière désormais bien établi et la réhydratation larga manu, en utilisant les shampooings, lotions, sprays et spot on disponibles.
Meilleur profil d'innocuité
Différentes gammes sont disponibles. Certains produits ont montré leur capacité à diminuer les doses des médicaments antiallergiques utilisés en association sur le long cours. Ils présentent donc l'avantage d'améliorer considérablement l'aspect cosmétique de l'animal mais également participent, pour certains, via l'incorporation d'agents actifs anti-inflammatoires, à la gestion du prurit, voire améliorent les scores de consommation médicamenteuse.
Le troisième volet, fondamental, consiste à gérer sur le long cours l'inflammation en ayant recours aux molécules qui présentent le meilleur profil d'innocuité et/ou pour lesquelles une diminution des posologies au long cours est possible.
Dans ce cadre, par voie générale, les corticoïdes doivent si possible être évités au profit de l'oclacitinib, du lokivetmab et de la ciclosporine. L'oclacitinib est efficace et semble sûr même sur le long terme à la dose de 0,4-0,6 mg/kg en une prise quotidienne. Le lokivetmab présente très peu d'effets secondaires, même sur le long cours, et peut être utilisé chez des chiens présentant des comorbidités (diabète, syndrome de Cushing, insuffisance rénale...). La ciclosporine, à la dose de 5 mg/kg/j, est également une option intéressante, d'autant plus qu'il est possible dans la plupart des cas de diminuer la fréquence des administrations et/ou des doses après les premiers mois d'utilisation.
En concertation avec le propriétaire
Quelle que soit l'approche choisie, elle doit se faire en concertation avec le propriétaire qui doit comprendre les effets attendus, les risques et les bénéfices du traitement. L'importance de l'éducation thérapeutique est majeure dans ce contexte et passe par des explications simples et claires avec l'intervention de toute l'équipe soignante.
Le schéma thérapeutique doit également envisager l'utilisation de traitements alternatifs associés qui, pour certains, ont démontré leur intérêt notamment pour diminuer la fréquence des prises de médicaments.
C'est le cas pour le lokivetmab avec un spot on appliqué une fois par semaine comme évoqué ci-dessus (allongement de l'intervalle entre les injections pour les chiens traités par l'association spot on/lokivetmab versus ceux traités par l'injection de l'anticorps monoclonal seul) mais également de l'oclacitinib avec un traitement dermocorticoïde topique avec l'acéponate d'hydrocortisone et pour la ciclosporine avec un traitement d'acides gras essentiels par voie orale. Le palmitoyléthanolamide ultramicronisé est également une option séduisante par son effet sur les mastocytes.
Approche proactive
A côté de cette approche réactive, de plus en plus de publications tendent à privilégier, comme c'est le cas en dermatologie de l'Homme, une approche proactive. Il s'agit dans ce cadre, une fois que la poussée a été traitée, de mettre en place un traitement ponctuel mais très régulier pour éviter la survenue d'une rechute.
L'application deux fois par semaine d'acéponate d'hydrocortisone sur les zones anciennement lésées a été validée dans plusieurs études dans ce but. Le lokivetmab a également permis de diminuer le risque de rechute et d'allonger la durée entre les crises dans une publication nord-américaine récente.
Dans un futur proche, il est probable que ce schéma thérapeutique sera amené à évoluer, en intégrant notamment les données récentes sur les anomalies observées du microbiote chez l'atopique. ■