Liste d'antibiotiques à réserver aux humains : la Fédération vétérinaire européenne dénonce le nouveau rejet de la commission Envi
Vie de la profession 44495Pour la Fédération vétérinaire européenne, l'antibiorésistance ne peut être combattue qu'en travaillant sur la prévention et l'utilisation prudente et responsable des antimicrobiens, tant dans le secteur humain qu'animal.
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Michel JEANNEY
Santé publique
Une fois de plus, les eurodéputés de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Envi) du Parlement européen tentent de restreindre les antimicrobiens à la disposition des vétérinaires en rejetant le projet de liste d'antibiotiques à réserver aux humains de la Commission européenne. La plate-forme Epruma, qui réunit les acteurs européens de la filière animale, rappelle, à juste titre, que les experts de l'Agence européenne du médicament y sont pourtant favorables. La Fédération vétérinaire européenne, réunie en assemblée générale à Londres les 17 et 18 juin, a dénoncé cette nouvelle action de la part de certains eurodéputés.
Certains eurodéputés de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Envi) du Parlement européen poursuivent leur offensive.
Après s'être déjà montrés critiques, le 11 mai, à l'occasion d'un échange avec la Commission européenne (CE), sur la liste d'antibiotiques que celle-ci prévoit de réserver à un usage pour les humains (la non inclusion de la colistine étant particulièrement visée (lire DV n° 1620)), ils ont adopté, le 14 juin, un projet d'avis appelant à rejeter le projet de liste d'antibiotiques à réserver aux humains présenté par la CE.
Vote en plénière
Les parlementaires y invitent la CE à retirer son projet de règlement d'exécution (sur lequel le Parlement n'a pas réellement de pouvoir) et à soumettre un nouveau projet « conformément aux critères et aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé pour réserver les antimicrobiens d'importance critique les plus prioritaires à l'usage humain uniquement ».
Cette résolution devait être soumise à un vote en plénière le 23 juin.
Pour la plate-forme Epruma qui réunit les acteurs européens de la filière animale (Copa-Cogeca, Fédération vétérinaire européenne (FVE), fabricants de médicaments...), cette objection « met une fois de plus en évidence le mépris des avis scientifiques de l'Union européenne par un certain nombre de députés de la commission de l'Environnement ».
Déjà en 2021
Rappelons qu'en juillet 2021, la commission Envi avait en effet déjà défrayé la chronique en actant une restriction drastique de l'arsenal antibiotique vétérinaire pour réserver certains antimicrobiens pourtant indispensables à la santé animale aux humains. Cette position avait entraîné une forte mobilisation de la profession vétérinaire et de tous les autres acteurs de la filière animale soucieux de la préservation de la santé animale et du bien-être animal.
La restriction avait finalement été rejetée en séance plénière du Parlement européen. De même, elle n'avait pas été reprise dans l'avis des experts de Agence européenne du médicament sur les antimicrobiens publié en mars dernier (lire DV n° 1610).
Nouveau combat
A nouveau, donc, la profession doit se mobiliser pour que le projet d'acte d'exécution, qui a été publié en avril de cette année, suive l'avis scientifique rigoureux de l'Agence européenne des médicaments dans lequel des experts en médecine humaine, en microbiologie et en médecine vétérinaire ont été impliqués.
Dans un communiqué de presse du 17 juin, la FVE, réunie en assemblée générale à Londres les 17 et 18 juin, appelle les eurodéputés à voter contre l'objection de la commission Envi pour plusieurs raisons.
Croyance erronée
Cette objection est en effet, selon la FVE, « fondée sur la croyance erronée d'une mauvaise utilisation des antibiotiques dans le secteur animal alors que le secteur animal a réduit les ventes d'antibiotiques de plus de 43 % depuis 2011 » et « repose sur la croyance trop simpliste que l'interdiction des classes d'antimicrobiens pour les animaux est une solution miracle, ce qu'elle n'est pas du tout ».
« L'antibiorésistance ne peut être combattue qu'en travaillant sur la prévention et l'utilisation prudente et responsable des antimicrobiens, tant dans le secteur humain qu'animal », souligne la FVE.
Selon elle, il est totalement incompréhensible que les députés européens appellent à une utilisation hors RCP des antimicrobiens humains au lieu des produits vétérinaires autorisés, qui sont développés spécialement pour des espèces animales distinctes avec les contrôles nécessaires pour la santé publique et la sécurité alimentaire.
Un ensemble de dispositions juridiques
Elle explique qu'un acte d'exécution dépourvu de bases scientifiques peut être considéré comme une barrière commerciale et empêcher l'entrée en vigueur de la clause miroir pour les pays tiers (article 118).
De plus, selon elle, la commission Envi néglige le fait que cet acte d'exécution s'accompagne « d'un ensemble de dispositions juridiques strictes pour lutter contre l'antibiorésistance » dans le nouveau règlement sur les médicaments vétérinaires, « ce qui fait de l'Europe la zone des meilleures pratiques dans le monde ».
Enfin, pour la FVE, la commission Envi « ignore les appels répétés de sa propre chambre à combattre la résistance antimicrobienne en utilisant l'approche One Health ». ■