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Léo Daigue : « La Fédération nationale étudiante vétérinaire porte la voix pertinente des futurs praticiens »

Léo Daigue est le président fondateur de la Fédération nationale étudiante vétérinaire.

© D.R.

Enseignement

Léo Daigue est étudiant-délégué en A6 Animaux de compagnie, en master 2 Management et communication des établissements de soins vétérinaires, à VetAgro Sup. Il est, entre autres, président fondateur de la Fédération nationale étudiante vétérinaire, un projet qui vise à permettre aux étudiants d'intervenir activement dans leur formation en s'exprimant auprès des parties prenantes. Dans un contexte de profondes mutations, il estime que le regard de ces futurs praticiens est légitime et pertinent d'autant plus que la jeunesse vétérinaire est motivée, engagée et pleine d'idées.

La Dépêche Vétérinaire : Vous vous présentez comme « entrepreneur de projets autour de la profession vétérinaire et sa formation ». Est-ce dans ce cadre qu'entre la création de la Fédération nationale étudiante vétérinaire dont vous êtes à l'origine ?

Léo Daigue, président fondateur de la Fédération nationale étudiante vétérinaire : J'ai toujours été animé par l'envie de porter des projets fidèles à mes valeurs, en particulier lorsqu'ils répondent à des besoins ou enjeux forts et sont novateurs. Nous pouvons parler d'une fibre entrepreneuriale au sens large car elle ne poursuit pas toujours un but lucratif (mes investissements m'apportant de la valeur autrement).

C'est dans cet esprit que j'ai créé la Fédération nationale étudiante vétérinaire (FNEV). Ce projet s'inscrit dans la continuité de mes engagements passés pour notre formation, et répond à une attente forte des étudiants : celle d'être davantage pris en compte et écoutés sur les sujets touchant à leur formation et à leur futur métier. Il manquait une structure officielle permettant de porter leur voix et d'interagir avec les parties prenantes et institutions.

Face à cette nécessité, l'idée était toute trouvée. Le défi était donc de créer une organisation structurée et crédible, reconnue au sein d'un écosystème vétérinaire déjà bien établi et de la faire évoluer afin de satisfaire sa raison d'être.

D.V. : Quelles ont été les motivations d'une telle initiative et quels sont ses objectifs ?

L.D. : La FNEV est née de plusieurs constats. D'abord, un manque de lien, d'échanges entre les étudiants des quatre écoles nationales vétérinaires (ENV) françaises, nécessitant un décloisonnement et une meilleure cohésion. Les problématiques communes dépassent souvent le cadre d'un seul établissement et les représentants étudiants sont parfois limités par leur périmètre d'action.

Ensuite, une prise de conscience du manque de consultation, voire de considération des étudiants, lors des décisions majeures affectant notre formation. Certains dossiers sensibles ont été de véritables déclencheurs.

Enfin, le souhait de pouvoir nous exprimer sur l'évolution et les enjeux de la profession : notre regard de futurs praticiens est légitime et pertinent, surtout dans un contexte de mutations profondes.

C'est pourquoi j'ai proposé cette fédération, rapidement soutenue par les étudiants des quatre écoles et rejointe par les représentants.

La FNEV vise à représenter les étudiants et leurs intérêts mais donc aussi à s'impliquer sur les grands enjeux de la profession et de sa formation, en collaboration avec les autres parties prenantes du monde vétérinaire. Il s'agit de peser dans les débats de façon constructive, auprès des instances décisionnaires.

Parmi nos priorités figure la santé mentale des étudiants, un sujet d'alerte devenu central, à la suite des enquêtes qui sont parues. Ceci fait écho aux difficultés déjà observées dans la profession. Bien-être, épanouissement, attentes et besoins en vue des débuts professionnels : tout peut être lié, c'est ainsi que je les regroupe dans nos travaux.

Nous travaillons également sur d'autres sujets structurants comme la désertification vétérinaire en zones rurales ou la question de la rémunération des internes.

Pour nombre de ces enjeux, un lien étroit est essentiel entre formation et profession, étudiants et professionnels.

Nous comptons d'ailleurs organiser un séminaire autour du « jeune vétérinaire de demain », en lien avec les grands défis actuels.

D.V. : Vous avez réagi au rapport du CGAAER* sur la formation vétérinaire en France en indiquant que former davantage d'étudiants ou créer une nouvelle école serait un non-sens. Quels arguments vous permettent ce jugement ?

L.D. : La pénurie de vétérinaires (praticiens ou non) a conduit à un plan de renforcement des ENV et à créer une école privée en 2022. Parallèlement, de nombreux étudiants français partent se former à l'étranger pour revenir exercer ensuite.

Le rapport du CGAAER prévoit que, d'ici 2030, le déficit global de vétérinaires serait comblé et indique qu'il serait inutile d'avoir une sixième école.

Certes, on peut imaginer qu'il demeurera une possible disparité entre secteurs, par exemple en rurale. Pourtant, certains acteurs publics critiquent ces conclusions, tandis que d'autres acteurs du privé envisagent de créer leur école (dans une logique qui interroge).

Alors même que les effets de l'augmentation actuelle d'effectifs sont attendus, et dans le contexte budgétaire actuel que nous connaissons, l'État ne peut financer ni une nouvelle école, ni une augmentation supplémentaire des effectifs. Le rehaussement actuel à 180 étudiants par promotion dans les ENV a déjà nécessité des arbitrages complexes.

Il est insensé d'affirmer avec certitude qu'augmenter encore plus les effectifs en France réduirait mécaniquement les départs à l'étranger ou réglerait la question de la désertification vétérinaire. Par exemple, le projet d'une cinquième école publique en Nouvelle-Aquitaine, porté par la région, repose sur une volonté louable de répondre aux besoins de vétérinaires en milieu rural. Mais la création d'une école représente plusieurs millions d'euros, et rien ne garantit que les étudiants s'installeront ensuite dans le territoire.

La désertification est multifactorielle (évolution de l'élevage, attractivité territoriale...). Ces moyens financiers pourraient être investis plus efficacement dans des mesures d'incitation à l'installation.

D.V. : Quels sont aujourd'hui les nouveaux challenges que doivent relever les étudiants vétérinaires et vous y sentez-vous suffisamment préparés par votre formation initiale ?

L.D. : Le premier défi est de sortir diplômé en se sentant suffisamment compétent, confiant dans ses savoirs et ses capacités. De nombreux étudiants souffrent du syndrome de l'imposteur. Il y a un besoin ressenti de se sentir prêt à savoir mobiliser ses connaissances, à gérer parfaitement des actes ou chirurgies de base. Il existe aussi une attente d'accompagnement accru, notamment par les stages, voire les tutorats. Les professionnels ont un rôle clé à jouer.

En parallèle, les étudiants doivent développer leurs compétences non techniques, notamment face aux attentes sociétales de plus en plus fortes. Gérer une clientèle exigeante, savoir communiquer, gérer les erreurs... tout cela s'apprend mais mérite d'être mieux intégré dans nos cursus.

Les référentiels de stages, l'enseignement en école, les rotations cliniques doivent évoluer pour mieux répondre à ces attentes.

D'autres enjeux émergent aussi. La transition numérique, avec l'essor de la télémédecine ou de l'intelligence artificielle, soulève des questions quant à leur place dans l'enseignement et la pratique. De même, la transition écologique interroge la responsabilité de notre profession.

En somme, ce sont des défis stimulants, qui poussent à réfléchir et à trouver des solutions, voire à réinventer nos manières de faire. Et ils rencontrent une jeunesse vétérinaire motivée, engagée et pleine d'idées.

* CGAAER : Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1755

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