Foires chevalines, un enjeu professionnel, éthique et sociétal : l'exemple de Maurs
Mercredi 14 Mai 2025 Vie de la profession 53242La démarche initiée à Maurs doit désormais servir de modèle pour les autres foires chevalines.
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Jean-Yves GAUCHOT
Président de la FSVF*
Vice-président de la LFPC**
Président d'honneur du Respe***
David QUINT
Président du SNVEL****
Tribune libre
Soucieux d'améliorer le bien-être animal dans des événements comme les foires équines, le SNVEL**** a signé un protocole d'accord avec la Fondation Brigitte Bardot concernant l'événement annuel de Maurs (15). Le syndicat souhaite néanmoins rétablir la vérité sur la teneur des échanges entre les deux organisations car, s'il incite les vétérinaires à la vigilance lors de leurs contrôles à effectuer impérativement dans le cadre de leur mandat sanitaire, il ne considère pas les prises de position radicales comme une base de travail constructive pour l'avenir.
La foire chevaline de Maurs (15), l'une des plus importantes de France, cristallise aujourd'hui les attentes sociétales croissantes en matière de bien-être animal. La médiatisation de cas de maltraitance et les plaintes déposées à l'encontre de vétérinaires intervenant sur place révèlent la complexité d'une mission longtemps assurée dans l'ombre, souvent sans cadre adapté ni reconnaissance à la hauteur des enjeux. Ce contexte a conduit le SNVEL**** et la Fondation Brigitte Bardot à établir un protocole d'accord visant à améliorer durablement les pratiques lors de ces événements tout en protégeant les vétérinaires qui y sont impliqués.
Dans ce contexte, le SNVEL déplore les communications faites par la Fondation autour de la foire chevaline de Maurs sur les réseaux sociaux. Elles ne reflètent pas la teneur des échanges qui ont eu lieu jusque-là.
Enjeu de bientraitance trop souvent négligé
L'enquête de la Fondation Brigitte Bardot en 2022 a mis en lumière des dysfonctionnements notables lors de la foire de Maurs : absence de contrôle systématique des animaux, maintien sur le site d'équidés blessés ou malades, et conditions de détention parfois inacceptables. Si ces constats sont alarmants, ils pointent aussi l'insuffisance de moyens humains et réglementaires alloués aux vétérinaires chargés de la surveillance sanitaire lors de ces rassemblements.
Rôle vétérinaire à clarifier et renforcer
Le protocole signé le 31 mars acte la volonté conjointe du SNVEL et de la Fondation Brigitte Bardot de sortir d'une logique de confrontation pour bâtir un cadre professionnel clair. L'objectif est de faire de la foire de Maurs un exemple de foire éthique où le vétérinaire sanitaire joue un rôle pivot reconnu et outillé. Le SNVEL recommande désormais un ratio minimal d'un vétérinaire pour 100 équidés, désigné par l'organisateur et habilité à intervenir dans le cadre d'un arrêté préfectoral.
Ce cadre doit inclure expressément la possibilité juridique de retirer de la vente tout équidé blessé ou malade, sur décision du vétérinaire désigné. Ce pouvoir est essentiel pour faire face aux situations critiques sans exposer le praticien à des poursuites disciplinaires injustifiées, comme l'a illustré l'affaire de notre confrère Éric Février, injustement mis en cause dans un contexte de carence réglementaire.
Risques professionnels bien réels
Accepter de réaliser les contrôles dans une foire chevaline sans être clairement mandaté expose les vétérinaires à des risques majeurs : responsabilités mal définies, manque de soutien des autorités et, parfois, mise en cause publique. Dans un tel contexte, le manque de reconnaissance et de protection peut légitimement conduire à des refus d'engagement, alors même que la présence vétérinaire est indispensable pour garantir la bientraitance des animaux.
Le courrier adressé au préfet du Cantal par le SNVEL le 24 avril souligne donc la nécessité d'un engagement fort des pouvoirs publics pour sécuriser l'action vétérinaire. Le mandatement officiel, le soutien logistique et l'articulation claire des responsabilités entre organisateurs, vétérinaires et autorités sanitaires sont autant de conditions indispensables à la réussite de cette mission.
Modèle à dupliquer
La démarche initiée à Maurs doit désormais servir de modèle pour les autres foires chevalines. Le SNVEL appelle les préfectures à intégrer systématiquement ces exigences dans leurs arrêtés et encourage les confrères à n'accepter d'intervenir que sous couvert d'un cadre formel, protecteur et opérationnel. Ce n'est qu'à cette condition que la profession pourra continuer à assurer son rôle sanitaire et éthique sans en subir les conséquences.
Les enjeux de ces foires sont au nombre de trois : l'identification de tous les équidés, le respect du bien-etre animal, le suivi sanitaire dont la protection vaccinale recommandée par la filière équine. Les organisateurs doivent également comprendre que l'avenir même de ces manifestations passe par une présence vétérinaire renforcée, appuyée par des moyens adaptés. Ils ne pourront faire l'économie de ce tiers de confiance reconnu.
Enfin, la présence d'acteurs comme la Fondation Brigitte Bardot lors des foires, en tant qu'observateurs, peut contribuer à restaurer la confiance du public et à démontrer que des foires éthiques sont possibles à condition d'y associer pleinement les vétérinaires dans un cadre sécurisé et reconnu. Pour autant, si le SNVEL et la Fondation Brigitte Bardot ont su trouver un terrain d'entente sur les mesures concrètes à mettre en oeuvre pour améliorer la bientraitance dans les foires chevalines telles que celle de Maurs, il convient de rappeler que cette collaboration ne signifie en aucun cas une adhésion aux positions de la Fondation qui pourraient être considérées comme abolitionnistes par certains. Le SNVEL reste attaché à ce que les équilibres soient respectés, sans remise en cause de la domestication animale mais dans le respect des bonnes pratiques professionnelles et des réalités de terrain.
C'est à partir d'un dialogue équilibré, respectueux des animaux mais aussi des métiers et évidemment des contraintes réglementaires, que des solutions durables peuvent émerger. En ce sens, le SNVEL ne considère pas les prises de position radicales comme une base de travail constructive pour l'avenir. ■
* FSVF : Fédération des syndicats vétérinaires de France.
** LFPC : Ligue française de protection du cheval.
*** SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.