Dopage : « Les vétérinaires sont des boucs émissaires »

L'affaire de dopage concerne cette fois le milieu du trot.

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Justice

Après une affaire de dopage liée à des irrégularités de traitement dans le milieu du galop en décembre dernier, le milieu du trot a été touché, en mars, suite à une dénonciation concernant un colis commandé à Malte par un entraîneur du Sud de la France. Le président de l'Avef*, notre confrère Charles-François Louf, réagit à ces mises en accusation de vétérinaires et dénonce une stigmatisation injustifiée de la profession.

La Dépêche Vétérinaire : Quel est le contexte de cette nouvelle affaire de dopage dans le milieu des courses hippiques et quels sont les produits concernés ?

Charles-François Louf, président de l'Avef* : En décembre, c'est le milieu du galop qui était concerné, cette fois, c'est le trot. A chaque fois, les accusations concernent des irrégularités de traitement et d'approvisionnement en médicaments vétérinaires.

Les produits concernés sont assez atypiques puisqu'il s'agit d'un complexe vitaminé (Hemo-15 ND) et d'un produit de phytothérapie (Sarapin ND), interdits d'utilisation (depuis l'an dernier seulement pour Sarapin ND) et importés depuis l'étranger par des non vétérinaires.

Injectés dans les heures précédant une course, ces produits ont un effet dopant.

D.V. : Combien de confrères ont été mis en cause ?

C.-F.L. : Suite à des écoutes téléphoniques, des confrères, au moins quatre dont deux étrangers, ont été mis en accusation, soupçonnés d'avoir donné des conseils sur ces produits. Ils ont été mis en garde à vue alors qu'ils ne sont pas tous impliqués dans la procédure d'importation illégale.

Il n'y a, à ma connaissance, pas eu de mise en examen pour tous, certains n'ayant rien d'étayé dans leur dossier.

L'interdiction de travailler ordonnée par la justice et appliquée par obligation par les sociétés mères brisent des carrières et bouleverse le milieu fermé des entraîneurs, jockeys et drivers.

D.V. : Quels sont les retentissements à craindre de ces affaires de dopage à répétition sur l'image des vétérinaires ?

C.-F.L. : Le problème est que les vétérinaires sont des victimes collatérales. Certes, il y en a qui commettent des irrégularités mais la plupart agissent de bonne foi, sans volonté de duperie.

La résultante est un impact négatif sur l'image de la profession car les vétérinaires, même non coupables, sont systématiquement mis en avant par les médias alors qu'ils sont une minorité parmi les inculpés. Ce sont des proies faciles, par ailleurs bien assurées...

D.V. : Comment agir pour prévenir ces mises en accusation ?

C.-F.L. : Cette actualité révèle que certains soins et traitements des chevaux en France échappent aux vétérinaires inscrits à l'Ordre. Elle prouve aussi que des produits, dont on peut lire ou entendre les noms dans les médias, n'ont souvent pas fait preuve d'une quelconque efficacité et sont plus de l'ordre de la recette de grand-mère, de la légende ou, hasard ou coïncidence, d'une pseudo efficacité à la suite d'une performance.

Pour lutter contre ces dérives, notre rôle au sein de l'Avef est d'informer au mieux les vétérinaires pour qu'ils ne se fassent pas avoir par des changements de réglementation qui surviennent très fréquemment dans le milieu des courses. Nous faisons régulièrement des mises à jour sur notre site (www.avef.fr) en ce qui concerne la liste actualisée des produits interdits en course.

Nous travaillons avec France Galop et le Trot pour diffuser ces informations.

Nous incitons aussi tous les professionnels du cheval, y compris les propriétaires, à se réunir pour travailler sur l'éthique des soins aux chevaux, les infiltrations étant particulièrement montrées du doigt. Or dans ce domaine, les vétérinaires ne sont pas responsables de tout. Les entraîneurs sont très au courant et demandeurs des produits. Il convient donc de faire de la pédagogie sur les limites de ces traitements.

Nous avons mis en place au sein de l'Avef un groupe de travail sur ce sujet avec pour objectif de publier un Livre blanc sur les bonnes pratiques des infiltrations.

Il va tenter de répondre aux problèmes que soulèvent les infiltrations. Il reste de nombreuses de questions à traiter : où est la limite entre soins et amélioration des performances et dopage ? ; comment considérer détection des substances sans cesse améliorée, positivité et réelle efficacité de molécules ou autres éléments ? ; comment mettre en place un réel suivi longitudinal pour les chevaux athlètes ? ; faut-il mettre en place une visite vétérinaire avant et après chaque course, comme en endurance par exemple ? ; quelle sont la légitimité et la légalité de certains traitements ou pratiques ? ; comment être transparent sur les traitements, soins versus amélioration de performances et dopage à proximité des courses ou compétitions vis-à-vis du grand public ? ; etc.

Il faudrait ensuite étendre cette réflexion à tous les chevaux de sport.

* Avef : Association vétérinaire équine française.


Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1619

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