Dermatite atopique canine : intérêt des grilles de qualité de vie

Shampooing antiseptique/émollient une à deux fois par semaine : le vécu de ce traitement, très variable selon les propriétaires, peut impacter la qualité de vie de l'animal et ses maîtres. Il est essentiel de mesurer l'impact des traitements sur la qualité en termes de coût, de temps et de contrainte pour l'animal.

© Pascal Prélaud

Pascal PRÉLAUD

Dip. ECVD

Advetia Centre hospitalier vétérinaire

(78140 Vélizy-Villacoublay)

Dermatologie

Près de la moitié des propriétaires de chiens atopiques considèrent que la maladie de leur animal impacte leur qualité de vie. Objectiver cette atteinte est possible avec des grilles de qualité de vie, applicables au propriétaire comme au chien. Ces grilles sont des outils de suivi, voire de dialogue, à ne pas négliger.

Toute maladie chronique impacte la qualité de vie (QdV) du patient et celle de son entourage. Largement étudiée dans le suivi des maladies douloureuses comme l'arthrose, la QdV a fait l'objet de peu d'études chez le chien atopique. Or cette maladie impacte lourdement la vie de l'animal et des propriétaires, obligés d'effectuer des soins pérennes parfois lourds (figure n° 1), prenants ou coûteux.

Il existe trois scores de QdV (du chien ou du maître) développés et validés dans le cadre de la dermatite atopique canine (DAC)1,2,3,4 (exemple : tableau). Ce sont des systèmes d'évaluation avec une échelle de type Likert (de 1 à 5).

Ils ne sont utilisés que dans le cadre d'essais cliniques mais pas en routine, en consultation de dermatologie. Or, la mesure de la QdV des propriétaires est primordiale et peut être un outil de suivi puissant, voire un outil de dialogue, presque comme une première étape ouvrant à la médecine narrative.

Sommeil des propriétaires perturbé

En effet, dans une étude, 48 % des propriétaires considèrent que la maladie de leur chien impacte leur QdV et ceci est lié à la gravité lésionnelle et à l'étroitesse de la relation avec l'animal, et non à l'ancienneté ou l'intensité du prurit.

Le sommeil des maîtres est perturbé dans 35 % des cas et la maladie influe directement sur les activités de la famille dans 10 à 15 % des cas. Pour les deux tiers des propriétaires, le traitement de leur animal est une corvée3.

Il existe une différence de perception selon les tranches d'âge des propriétaires : les actifs ont moins de temps à consacrer aux soins de leur animal et les retraités passent plus de temps avec leur animal et sont plus à son écoute. Un questionnaire évaluant la force du lien affectif avec l'animal montre que ce score est lié à celui de la QdV chez l'atopique. L'appréciation de la QdV de l'animal doit donc aussi tenir compte de ce lien, ce qui complique grandement les études de variation de ce paramètre.

Corrélation au score lésionnel

Il existe globalement une corrélation entre le score lésionnel (et de prurit) et le score de QdV, ce qui n'est pas surprenant. Toutefois, au cas par cas, il peut exister d'importantes variations.

Les questionnaires ayant été mis au point dans le cadre de clientèles référées, il existe probablement un biais que l'on pourrait qualifier d'optimiste ou tolérant. Ainsi, aucun propriétaire ne rejette son animal et n'envisage l'euthanasie dans ces études.

La maladie influe aussi sur la QdV de l'animal de façon très significative dans 40 à 50 % des cas, avec des altérations des activités de jeu et du sommeil.

En utilisant une grille de QdV dès la première consultation, on peut créer un lien fort avec le propriétaire et surtout l'aider à exprimer sa détresse (souvent sous-estimée) ou ses priorités. On gagne ainsi un temps précieux et le propriétaire peut être beaucoup plus en confiance. Mais le recours à ces grilles va bien au-delà.

Qualité de vie et médecine narrative

Le principe de la médecine narrative est avant tout appliqué en médecine humaine et consiste à aider le médecin à mieux entrer dans le vécu de la maladie par son patient. On peut tout à fait appliquer ce principe au suivi des maladies chroniques chez le chien, tant ces maladies impactent la QdV des maîtres.

Un des moments clefs de la médecine narrative consiste à prendre le temps d'écrire ce que le consultant a perçu avant, pendant et après la consultation. Cela implique donc une véritable démarche littéraire, voire philosophique, et, plus concrètement, un temps important de réflexion sur le cas. Ce moment de recul et retour sur chaque élément de la consultation permet de réorienter si nécessaire l'approche globale ou d'un point précis du traitement.

Une telle approche est chronophage mais une grille de QdV permet d'améliorer l'écoute et dégager des priorités thérapeutiques. C'est ce qui se fait dans les CSOM ( client specific outcome measures ) lors de prise en charge de la douleur chronique 6,7 . On définit les trois principaux items et on n'effectue le suivi thérapeutique que sur ces seuls critères. On a ainsi un outil adapté au patient et à son propriétaire.

Temps d'éducation thérapeutique

Les exemples les plus courants dans notre expérience sont les associations suivantes dans les formes graves de la maladie :

- coût/détresse émotionnelle/temps passé aux soins : une corticothérapie et peu de soins sont une priorité ;

- épuisement (du propriétaire)/temps passé aux soins/gravité de la maladie : dans ce cas, un traitement systémique agressif est envisagé.

Le passage par des temps d'éducation thérapeutique est primordial pour une bonne alliance thérapeutique et une maîtrise de la détresse parfois très importante des propriétaires.

Le recours à des grilles de QdV lors de la consultation permet à la fois de mieux cerner les priorités lors de la prise en charge et de définir des critères de suivi au long cours, plus fiables que des scores cliniques.

1. Noli C, Minafo G, Galzerano M. Quality of life of dogs with skin diseases and their owners. Part 1: development and validation of a questionnaire. Vet Dermatol. 2011;22(4):335-43.

2 . Noli C, Colombo S, Cornegliani L, Ghibaudo G, Persico P, Vercelli A, et al. Quality of life of dogs with skin disease and of their owners. Part 2: administration of a questionnaire in various skin diseases and correlation to efficacy of therapy. Vet Dermatol. 2011 ; 22 : 344-51.

3. Linek M, Favrot C. Impact of canine atopic dermatitis on the health-related quality of life of affected dogs and quality of life of their owners. Vet Dermatol. 2010 ; 21 : 456-62.

4. Favrot C, Linek M, Mueller R, Zini E. Development of a questionnaire to assess the impact of atopic dermatitis on health-related quality of life of affected dogs and their owners. Vet Dermatol. 2010;21(1):63-9.

5. Noli C. Assessing Quality of Life for Pets with Dermatologic Disease and Their Owners. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2019;49(1):83-93.

6. Lascelles BD, Hansen BD, Roe S, DePuy V, Thomson A, Pierce CC, et al. Evaluation of client-specific outcome measures and activity monitoring to measure pain relief in cats with osteoarthritis. J Vet Intern Med. 2007;21(3):410-6.

7. Gingerich DA, Strobel JD. Use of client-specific outcome measures to assess treatment effects in geriatric, arthritic dogs: controlled clinical evaluation of a nutraceutical. Vet Ther. 2003 ; 4 (4) : 376-86.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1660

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