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Antibiotiques à réserver aux humains : un vote de la commission Envi fait courir un risque à la pharmacopée vétérinaire

Un rejet en plénière signifierait une interdiction totale de près d'un tiers des antibiotiques disponibles en France pour la médecine vétérinaire.

© Ilike- Adobe Stock

Michel JEANNEY

Santé publique

Les eurodéputés de la commission Envi ont rejeté un acte délégué présenté par la Commission européenne sur les « Critères de classification des agents antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l'Homme ». Un vote identique en assemblée plénière ferait courir un grave risque à la pharmacopée vétérinaire, en privant les praticiens d'antimicrobiens essentiels à la préservation de la santé animale et de la santé publique.

Les députés de la commission Environnement, santé publique et sécurité alimentaire (Envi) du Parlement européen ont adopté le 13 juillet (par 38 voix contre 18 et 22 abstentions) une résolution s'opposant à un acte délégué proposé par la Commission européenne sur les critères permettant d'établir une liste d'antimicrobiens à réserver aux humains.

Les parlementaires, téléguidés par le Comité permanent des médecins européens, estiment, sans aucun fondement scientifique, que ces critères, prévus dans le cadre du nouveau règlement européen sur les médicaments vétérinaires qui entrera en vigueur début 2022, sont trop laxistes.

Trois critères ont été retenus par la Commission européenne pour définir les molécules à réserver aux traitements humains : « grande importance pour la santé humaine » , « risque de transmission de résistance » et « besoin non essentiel pour la santé animale » .

C'est sur ce troisième critère que les eurodéputés se montrent particulièrement inquiets alors que cette proposition de la Commission a été techniquement coordonnée avec toutes les organisations compétentes : Agence européenne du médicament, Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments, Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Organisation mondiale de la santé animale et Organisation mondiale de la santé. Un vote définitif en plénière est prévu pour le mois de septembre.

Risque de souffrance animale inutile

Un rejet en plénière signifierait une interdiction totale de près d'un tiers des antibiotiques disponibles en France pour la médecine vétérinaire, jugés critiques et pourtant essentiels à la pharmacopée vétérinaire, comme les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3e et 4e générations, dont la prescription est déjà fortement encadrée dans l'Hexagone, mais aussi les macrolides ou l'association amoxicilline-acide clavulanique.

La plate-forme européenne Epruma* (réunissant vétérinaires (avec notamment la Fédération vétérinaire européenne et la Fecava**), agriculteurs et coopératives, fabricants de médicaments et fabricants d'alimentation animale) a regretté cette prise de position du Parlement, estimant qu'elle est « fondée sur des croyances dépassées quant à l'utilisation abusive des antibiotiques dans le secteur animal et sur une interprétation totalement erronée des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé ».

Permettre d'interdire arbitrairement le « seul choix thérapeutique disponible signifie que les animaux seront laissés sans protection contre les infections bactériennes, ce qui entraînera des souffrances inutiles et peut-être même la mort d'animaux », dénonce Epruma.

Les vétérinaires invités à signer une pétition

Le SNVEL*** et la Fédération vétérinaire européenne travaillent depuis le début de l'été pour démontrer qu'il est dans l'intérêt de tous que l'acte délégué proposé par la Commission européenne soit soutenu afin de préserver les moyens de soigner et de guérir à la fois les citoyens et les animaux de l'Union européenne.

Une sensibilisation du grand public sur les conséquences d'un rejet de l'acte délégué est en préparation, conjointement à des contacts avec les parlementaires européens amenés à voter. Il est à noter que le gouvernement français soutient la position des représentants professionnels vétérinaires.

En parallèle, des associations de vétérinaires en Europe ont proposé à leurs confrères de signer des pétitions (comme en Belgique, à l'adresse https://bit.ly/3iZHszO, en Allemagne ou encore en Pologne) demandant aux eurodéputés de voter « contre » la « dangereuse motion » qui va leur être proposée en séance plénière en septembre.

L'expérience montre cependant que seule une très large adhésion à ce type de pétition, bien au-delà des seuls vétérinaires, pourra servir cette cause, sans que celle-ci soit taxée de corporatisme.

Ce vote de la commission Envi intervient alors que l'utilisation d'antibiotiques a fortement diminué chez les animaux et est désormais plus faible chez les animaux producteurs d'aliments que chez les humains, si l'on en croit le dernier rapport publié****, conjointement par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'Agence européenne des médicaments et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, le 30 juin.

De même, à l'échelle mondiale, l'Organisation mondiale de la santé animale a récemment souligné un net recul de l'utilisation des antimicrobiens chez les animaux.

* Epruma : European Platform for The Responsible Use of Medicines In Animals.

** Fecava : European Federation of Companion Animal Veterinary Associations.

*** SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

**** Disponible à l'adresse https://bit.ly/3g7e88I.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1582

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