Vers une prise en charge plus précoce des chats atteints de maladie rénale chronique grâce au facteur FGF23
Mercredi 14 Décembre 2022 Animaux de compagnie 45939Il est possible de détecter plus précocement la MRC dans l'espèce féline et d'augmenter ainsi l'espérance de vie des animaux grâce à une prise en charge adaptée.
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Corinne DESCOURS-RENVIER
Urologie
L' International Society of Feline Medicine , les laboratoires Idexx et ProPlan Veterinary Diets ND ont organisé, en novembre, une conférence en ligne faisant le point sur le diagnostic précoce de la maladie rénale chronique dans l'espèce féline et sa prise en charge nutritionnelle. Dès les premiers stades de la maladie, certains chats pourraient ainsi bénéficier d'une alimentation spécifique, réduite en phosphore. La mesure du facteur FGF23 est un moyen simple de les identifier précocement.
En novembre dernier, une conférence en ligne, organisée conjointement par l' International Society of Feline Medicine (ISFM), les laboratoires Idexx et ProPlan Veterinary Diets ND, a fait le point sur le diagnostic précoce de la maladie rénale chronique1 (MRC) dans l'espèce féline et sur sa prise en charge nutritionnelle.
« Selon une étude réalisée en 20142 , 81 % des chats de plus de 15 ans présenteraient des signes de MRC, même si les animaux plus jeunes ne sont pas épargnés », remarque notre consoeur Rebecca Geddes, spécialiste en médecine interne au Royal Veterinary College (Londres).
Le diagnostic de cette affection est souvent réalisé en phase terminale d'évolution de la maladie, alors que les lésions progressent depuis plusieurs années.
« Il est pourtant possible de détecter plus précocement la MRC dans l'espèce féline et d'augmenter ainsi l'espérance de vie des animaux grâce à une prise en charge adaptée », précise la conférencière.
L'identification du stade d'évolution de la maladie, étape primordiale
Pour mettre en évidence une éventuelle MRC dans l'espèce féline, Rebecca Geddes évalue la créatininémie, à la recherche d'une augmentation significative.
« Une gravité spécifique urinaire3 inférieure à 1 035, une hausse durable de la SDMA4 au-delà de 14 µg/dl ou encore une protéinurie persistante, avec un RPCU5 supérieur à 0,4 sont également des signes évocateurs », ajoute la conférencière qui complète parfois ces examens par l'imagerie médicale ou des tests génétiques permettant de reconnaître une éventuelle polykystose rénale.
Une fois le diagnostic établi, il est indispensable de préciser le stade d'évolution de la maladie en fonction de la classification de l' International Renal Interest Society (IRIS) (disponible en français sur le site www.idexx.fr/files/poster-iris-sdma-chat-fr-fr.pdf) (voir figure).
Une alimentation spécifique en fonction de l'hyperphosphatémie
Le but du traitement de la MRC est de ralentir l'évolution de la maladie.
« Si le vétérinaire dispose de nombreuses options thérapeutiques (fluidothérapie, anti-hypertenseurs...), seule une alimentation spécifique, réduite notamment en phosphore, peut ralentir la progression des lésions rénales », constate Rebecca Geddes. « Il existe aujourd'hui de nombreux aliments industriels adaptés aux chats atteints de MRC. La question est de savoir à quel moment les proposer aux propriétaires ».
Selon la conférencière, la présence ou non d'une hyperphosphatémie est un facteur déterminant dans la mise en place d'une alimentation spécifique.
« L'hyperphosphatémie n'est que la pointe émergée de l'iceberg », précise notre consoeur. « Elle cache souvent des troubles minéraux et osseux associés à la maladie rénale chronique (TMO-MRC)6 ».
Les TMO-MRC sont décrits depuis 2006 aussi bien chez l'Homme que chez l'animal. Ils sont responsables d'une calcification des tissus mous et des vaisseaux sanguins ainsi que d'une déminéralisation des os.
L'élévation du facteur FGF23, signe d'alerte très précoce
« En plus de la parathormone (PTH), on soupçonnait depuis longtemps l'existence d'un autre facteur associé aux TMO chez les chats atteints de MRC », explique Rebecca Geddes. « Ce facteur est aujourd'hui identifié : il s'agit de FGF23. »
La protéine FGF23 appartient à la famille des facteurs de croissance des fibroblastes.
Sa sécrétion par les os est déclenchée notamment par une augmentation de la concentration sérique en phosphates. FGF23 inhibe alors la sécrétion de la PTH. Elle augmente par ailleurs l'excrétion urinaire des phosphates et diminue la production de calcitriol7 .
« Le principal intérêt de FGF23 en médecine vétérinaire est que sa concentration sérique augmente dès les stades précoces de la MRC alors que celle des phosphates est encore normale », explique la conférencière.
La mesure de FGF23 est un examen facile à réaliser en pratique8 . Notre consoeur conseille de considérer comme élevée une concentration sérique en FGF23 supérieure ou égale à 400 pg/ml.
Un bénéfice pour certains chats dès le premier stade de la classification IRIS
Une alimentation réduite en phosphore est habituellement conseillée chez le chat en cas d'hyperphosphatémie en vue de maintenir une concentration sérique en phosphates inférieure à 4,5 mg/dl au niveau 2 de la classification de l'IRIS ; inférieure à 5 mg/dl au niveau 3 et inférieure à 6 mg/dl au niveau 49 .
« Mais qu'en est-il des stades plus précoces ? », s'interroge Rebecca Geddes. « La mesure de la protéine FGF23 va permettre d'identifier les patients pour lesquels une telle alimentation serait bénéfique, même en début d'évolution de la maladie. »
Aux stades 1 et 2, les chats non azotémiques dont la concentration sérique en phosphates est normale ont en effet toutes les chances de tirer profit d'une alimentation réduite en phosphore dès lors que leur concentration sérique en FGF23 est élevée.
« Dans les stades précoces de la MRC, si la concentration sérique en phosphates est inférieure à 4,5 mg/dl, on mesure celle de FGF23 », résume la conférencière. « Si cette dernière est supérieure à 400 pg/ml10 , on peut mettre en place une restriction en phosphore. »
Attention toutefois à l'interprétation des résultats en cas d'hyperthyroïdie non contrôlée, d'inflammation systémique ou encore d'anémie sévères.
D'autre part, l'hypercalcémie augmente souvent la concentration en FGF23. Il est donc conseillé de mesurer le calcium en parallèle.
Des aliments adaptés aux stades précoces de la MRC
« Il faut cependant se garder de réduire la quantité de phosphore dans l'alimentation du chat trop tôt ou trop drastiquement, en raison des risques d'hypercalcémie », prévient notre consoeur Cecilia Villaverde, spécialiste européenne en nutrition vétérinaire, qui déconseille de se montrer trop agressif en début d'évolution de la maladie.
« Il existe heureusement des aliments industriels spécifiquement adaptés aux stades précoces de la MRC, qui évitent l'écueil d'une restriction excessive en phosphore et d'une limitation prématurée des protéines », conclut la conférencière. ■
Encore plus d'infos !
Conférence en rediffusion sur : https://urlz.fr/k5f0.
1 La maladie rénale chronique est une détérioration ancienne et progressive de la fonction rénale. En dessous d'un certain seuil de capacité des reins à filtrer le sang, on parle d'insuffisance rénale chronique.
2 Marino, 2014, JFMS.
3 Densité urinaire.
4 Diméthylarginine symétrique.
5 Rapport protéines/créatinine urinaires.
6 CKD-mineral and bone disorder.
7 Ce qui bloque le relargage du phosphore et du calcium depuis les os et diminue leur absorption par voie digestive.
8 Conserver les prélèvements au frais de préférence.
9 Normes Idexx.
10 Normes Idexx.