Traitements proactifs : la vraie révolution de la prise en charge de la dermatite atopique canine

Photo n° 1 : Pododermatite à Malassezia chez un boxer atopique : une indication commune du recours aux antifongiques en week-end thérapie.

© Advetia-CHV

Pascal PRÉLAUD

Dip. ECVD

Centre hospitalier vétérinaire Advetia

(78140 Vélizy-Villacoublay)

Dermatologie

Pierre angulaire de la prise en charge de la dermatite atopique canine, les traitements proactifs consistent à intervenir en dehors des poussées de la maladie, sur peau non lésée macroscopiquement, pour maintenir l'inflammation à un seuil bas. En pratique, trois familles de molécules sont utilisables : antifongiques, dermocorticoïdes et anti-IL-31.

Les traitements dits proactifs sont ainsi qualifiés par comparaison aux traitements réactifs, que l'on prescrit en réaction à la survenue d'une poussée, notamment lors de dermatite atopique canine (DAC). En effet, même en dehors des crises, une peau non lésée macroscopiquement demeure anormale, avec des troubles de la perméabilité, des cellules présentatrices d'antigènes activées et un infiltrat inflammatoire prêt à être activé.

Le but est donc de maintenir cette inflammation à un seuil bas pour limiter la survenue de poussées. On utilise lors de DAC soit le lokivetmab, soit les dermocorticoïdes. Certains antifongiques ayant la capacité de demeurer une semaine dans la couche cornée, ils sont aussi utilisés en week-end thérapie dans la prévention des poussées de dermatite à Malassezia.

Ces thérapies proactives sont la vraie révolution actuelle de la prise en charge de la DAC, à la fois simples et très efficaces.

Antifongiques

Seuls l'itraconazole et la terbinafine ont fait la preuve de leur efficacité en week-end thérapie ou deux fois par semaine dans le traitement proactif des dermatites à Malassezia chez le chien (photo n° 1) :

- itraconazole 5-10 mg/kg par 24 heures1 ;

- terbinafine 30-40 mg/kg par 24 heures2.

Bien entendu, il s'agit de prescription hors AMM mais de toutes façons, aucun antifongique systémique n'a une AMM dans cette indication. La limite de la prescription de l'itraconazole est la nécessite d'administrer des gélules de 100 mg sans les ouvrir sous peine d'une perte de biodisponibilité très significative. Le kétoconazole n'est pas utilisé sur ce rythme d'administration.

Dermocorticoïdes

Le traitement proactif de la DA chez l'Homme à l'aide de dermocorticoïdes a fait l'objet de très nombreuses études randomisées sur de grandes cohortes depuis une vingtaine d'années, prouvant son efficacité3,4.

Certains auteurs proposent cette approche précocement afin de limiter le risque de sensibilisation transcutanée 4 . Des études préliminaires chez l'enfant tendent à prouver que cette théorie pourrait être juste, les taux d'IgE spécifiques d'allergènes étant plus bas chez les patients ainsi traités 5 .

Les dermocorticoïdes, et notamment l'acéponate d'hydrocortisone, peuvent être utilisés en traitement proactif lors de DAC. Dans une des rares études publiées, cette approche a permis de limiter significativement le délai de rechute lors de forme modérée de DAC : 1 à 8 mois contre 15 jours à 2 mois pour le groupe placebo6.

Une telle approche est aussi possible et, en pratique, beaucoup plus intéressante pour prévenir des poussées d'otite atopique7. Cette option thérapeutique est, dans notre expérience, d'une efficacité remarquable et permet de limiter les lacunes des traitements systémiques au long cours souvent inopérants sur les otites externes.

La fréquence d'administration est très variable : de
1 fois toutes les 2 semaines à un jour sur deux. L'adaptation se fait en contrôlant l'état des méats acoustiques : on baisse la fréquence en cas de signes d'atrophie épithéliale (photo n° 2), on l'augmente s'il existe des signes d'inflammation (photo n° 3). Attention à ne pas associer chez le chien atopique des soins nettoyants si les oreilles sont propres.

Anti-IL31 (lokivetmab)

L'IL31 occupe une place centrale dans la genèse du prurit lors de DAC. Dans le derme et l'épiderme, le pic d'expression de l'IL31 est observé dès 24 heures et culmine à 48 heures pour redescendre ensuite, sans corrélation avec la gravité des lésions 8 .

Cette précocité et cette fugacité justifient le recours à l'anti-IL31 en traitement proactif, avant la survenue d'une poussée, donc tous les 1 à 2 mois selon la dose et les individus9. C'est aujourd'hui sa principale indication.

Conclusion

Ces trois traitements proactifs représentent aujourd'hui la pierre angulaire du traitement de la majeure partie des chiens atopiques. Ils ne dispensent toutefois pas des autres traitements de fond, qu'il s'agisse de mesures diététiques, antiparasitaires, topiques (hydratants ou antiseptiques) ou immunomodulateurs.

Ils s'intègrent dans une démarche qui s'adapte au cas par cas. C'est la difficulté de la prise en charge de ce syndrome au facettes multiples. C'est aussi ce qui en fait son charme.

La principale difficulté de la mise en place de ces traitements chez le chien comme chez l'Homme est de faire admettre au propriétaire de traiter son animal alors qu'il va bien.

Bibliographie

1 Pinchbeck LR, Hiller A, Kowalski JJ, Kwochka KW. Comparison of pulse administration versus once daily administration of itraconazole for the treatment of Malassezia pachydermatis and otitis in dogs. Journal of the American Veterinary Medical Association. 2002 ; 220 : 1807-12.

2 Berger DJ, Lewis TP, Schick AE, Stone RT. Comparison of once-daily versus twice-weekly terbinafine administration for the treatment of canine Malassezia dermatitis - a pilot study. Vet Dermatol. 2012 ; 23 : 418.

3 Hanifin J, Gupta AK, Rajagopalan R. Intermittent dosing of fluticasone propionate cream for reducing the risk of relapse in atopic dermatitis patients. Br J Dermatol. 2002 ; 147 (3) : 528-37.

4 Wollenberg A, Bieber T. Proactive therapy of atopic dermatitis - an emerging concept. Allergy. 2009 ; 64 (2) : 276-8.

5 Fukuie T, Nomura I, Horimukai K, Manki A, Masuko I, Futamura M, et al. Proactive treatment appears to decrease serum immunoglobulin-E levels in patients with severe atopic dermatitis. Br J Dermatol. 2010 ; 163 (5) : 1127-9.

6 Lourenc AM, Martins O, Braz B, Schmidt VM, Reme CA, Nuttall T. Long-term maintenance therapy of canine atopic dermatitis with a 0,0584 % hydrocortisone aceponate spray (Cortavance) used on two consecutive days each week. Vet Dermatol. 2016.

7 Bensignor E, Pattyn J, Rème C. Reduction of relapses of recurrent otitis externa in atopic dogs with twice weekly topical application of hydrocortisone aceponate in the ear canal : a randomized blinded controlled study. Vet Dermatol. 2012 ; 23 : 104.

8 Tamamoto-Mochizuki C, Olivry T. IL-31 and IL-31 receptor expression in acute experimental canine atopic dermatitis skin lesions. Vet Dermatol. 2021.

9 Tamamoto-Mochizuki C, Paps JS, Olivry T. Proactive maintenance therapy of canine atopic dermatitis with the anti-IL-31 lokivetmab. Can a monoclonal antibody blocking a single cytokine prevent allergy flares? Vet Dermatol. 2019.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1633

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