Otites du chien : ne laissez pas le plan B arriver 

Dès la première alerte, pour éviter l'escalade vers un plan B, le traitement de l'otite se doit d'être correct et le suivi, impératif.

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Aurore HAMELIN

Dermatologie

La solution chirurgicale lors d'otite canine, si elle n'a pas été soignée correctement et/ou à temps, comporte des risques. Une bonne gestion médicale peut éviter d'en arriver là. Nos consoeurs Camille Bismuth et Céline Darmon-Hadjaje ont précisé les approches dermatologiques et chirurgicales des otites lors du congrès France Vet, le 10 juin, à Paris.

Nos consoeurs Camille Bismuth et Céline Darmon-Hadjaje (CHV Frégis) ont abordé la gestion des otites canines selon leur spécialité, respectivement chirurgie et dermatologie, le 10 juin, lors du congrès parisien de France Vet. L'objectif de cette conférence à deux voix était de conduire le praticien dans une réflexion sur la gestion médicale adéquate des otites pour ne pas aboutir à la solution chirurgicale, ou plan B, qui comporte des risques et n'est pas exempte de complications.

La dermatologue Céline Darmon-Hadjaje a laissé le temps à chaque auditeur d'apprécier les contraintes du plan B décrit par sa consoeur (lire ci-après). « La technique ATCA-OLB* n'est pas une solution miracle aux otites chroniques, surtout lors d'hyperplasie du conduit auditif » , a annoncé Céline Darmon-Hadjaje en ajoutant que la chirurgie de l'abaissement du conduit auditif (dite de Zepp) était aujourd'hui considérée comme inutile par une majorité de vétérinaires. « Nous voyons bien que l'objectif est donc de préserver l'oreille de nos patients dès les premiers signes d'otite » , a-t-elle ajouté.

Bilan des facteurs perpétuants

« En tant que dermatologue, je suis surtout amenée à traiter des otites chroniques canines récidivantes. Je fais d'abord un bilan des facteurs perpétuant cette affection : point sur l'infection associée, observation ou non d'hyperplasie du conduit, présence ou non d'ulcères dans ce conduit, présence d'une otite moyenne associée à l'otite externe, calcifications des conduits » , a précisé l'intervenante. « Il faut essayer de gérer ces facteurs les uns après les autres » .

Les espèces de germes diffèrent dans l'oreille selon le caractère aigu ou chronique de l'atteinte. On rencontre surtout des staphylocoques ou des streptocoques pour une otite aiguë, plutôt Pseudomonas aeruginosa , Proteus mirabilis ou E. coli pour des atteintes chroniques. Ces bactéries peuvent produire des enzymes lytiques qui désagrègent le tympan et entraînent une otite moyenne.

Le scanner devient ainsi un examen complémentaire essentiel dans le bilan de ces affections car la radiographie est moins informative pour visualiser la bulle tympanique. « En cas d'atteinte de la bulle, la vidange par vidéo-otoscopie sera suivie d'une antibiothérapie systémique ciblée » , a indiqué notre consoeur.

Détection facile des biofilms

Les biofilms érigés par les bactéries pour se protéger des agressions extérieures se détectent assez facilement en consultation : « Ce sont ces plages gluantes qui placardent les pavillons et conduits auriculaires enflammés » , a précisé la dermatologue. « Le praticien sait alors que les antibiotiques présents dans les topiques auriculaires seront moins efficaces mais qu'il dispose de produits adaptés pour détruire ce biofilm » .

Le diagnostic de l'hyperplasie épidermique des conduits est visuel. L'épaississement de la peau du conduit se repère dès le début de l'otite et nécessite l'usage précoce d'anti-inflammatoires pour limiter son aggravation. L'oreille sera nettoyée à l'aide de produits aqueux contenant un antiseptique.

Surveiller les ulcères du conduit auditif

« Attention aux ulcères du conduit auditif qui sont très douloureux pour le chien » , a-t-elle remarqué. Des soins sous anesthésie assurent une solution intéressante pour initier le traitement de l'animal avec douceur et ne pas créer de l'appréhension lors de soins futurs.

Les otites suivent souvent une courbe alternant phase aiguë clinique et phase asymptomatique. L'intervalle de temps entre les épisodes est variable d'un individu à l'autre mais l'échappement au long terme est parfois inéluctable.

Dès la première alerte, pour éviter l'escalade vers un plan B, le traitement se doit d'être correct, le suivi impératif. Ainsi, le choix du topique se fera à partir de la cytologie auriculaire qui est, selon Céline Darmon-Hadjaje, l'examen complémentaire clé dans la gestion des otites (lire encadré).

Pas de consensus sur le nettoyage avant traitement

Le nettoyage avant traitement ne fait pas l'objet de consensus. « Il n'est pas forcément nécessaire de nettoyer les oreilles tous les jours. Cela peut même être contre-productif. Deux à trois fois par semaine est un rythme suffisant du moment que le nettoyage est fait minutieusement pendant 5 à 10 minutes », a précisé notre consoeur. En prévention d'une récidive, ce rythme peut être maintenu avant d'être progressivement espacé pour demeurer, le plus souvent, mensuel.

Le vétérinaire cherchera les éléments qui faciliteront la compliance des maîtres, leur motivation dans la mise en place des soins. La rigueur du praticien dans sa démarche et son expérience sont des atouts clés pour réussir à guérir un chien d'une otite chronique récidivante. Le scanner est idéalement indiqué dans tous les cas où l'otite moyenne doit être écartée.

Notre consoeur a estimé à 80 % le taux de réussite du traitement si tous les éléments précédemment décrits sont favorables. « Il n'en demeure pas moins que 20 % des animaux iront vers le plan B même si le traitement médical a été correctement prescrit, bien exécuté et régulièrement suivi », a-t-elle conclu.

* Ablation complète du conduit auditif et ostéotomie latérale de la bulle tympanique.

Gros Plan : La cytologie oriente le choix thérapeutique

Notre consoeur dermatologue Céline Darmon-Hadjaje a fait le point, lors de la conférence dédiée à la gestion des otites du chien, le 10 juin, à France Vet, sur l'importance de la cytologie dans le choix du topique auriculaire à prescrire. L'examen du cérumen sur lame permet de visualiser le type et la quantité de bactéries majoritairement présentes dans le conduit.

« Si le praticien visualise des bacilles, la gentamicine ou la polymixine B seront les deux seuls antibiotiques disponibles actuellement dans les topiques ayant une AMM en France (comme les présentations Easotic ND, Otomax ND, Surolan ND). Dans le cas où des coques sont mises en évidence, une des autres présentations disponibles devra être prescrite, par exemple Orsunia ND, Neptra ND, Oridermyl ND, Panolog ND... », a expliqué la conférencière.

« Est considérée comme une faute professionnelle la prescription de topiques qui ne contiennent pas les antibiotiques correspondant aux germes identifiés sur la lame », a-t-elle insisté.

Anti-inflammatoire lors d'hyperplasie du conduit

Lors d'hyperplasie du conduit auriculaire, le choix se portera vers un anti-inflammatoire très puissant. Il est prescrit par voie orale ou sous forme injectable retard dans la paroi de l'oreille. Ces molécules sont contre-indiquées lors d'ulcères cutanés du conduit car elles nuisent à la cicatrisation de ceux-ci.

Une antibiothérapie systémique sera indiquée lors d'otite moyenne. La durée est variable, de 4 à 6 semai­nes minimum. Un antibiogramme réalisé sur le contenu de la bulle tympanique, et avant tout nettoyage de celle-ci, permet d'adapter la molécule au germe en cause. 

Une otite externe se traite donc avec le bon topique, à la bonne quantité, c'est-à-dire 1 ml par oreille, à la bonne fréquence : le plus souvent tous les jours, pour une durée suffisamment longue. Il n'est pas utile d'enfoncer les embouts des présentations pharmaceutiques dans le conduit, cela facilite parfois les soins.

Suivi mensuel

Notre consoeur fait le parallèle de la bouteille d'eau qu'on n'enfonce pas dans le verre pour le remplir. « Le suivi mensuel permet d'avoir le recul sur le traitement et d'assurer un suivi de qualité. Là encore, la cytologie guide le praticien dans sa décision de stopper le traitement », a dit la spécialiste.

« Il faut annoncer au propriétaire que le soin d'une otite sera coûteux, qu'il faudra suivre scrupuleusement les consignes de l'ordonnance. Tout écart de traitement conduit à des échecs et possiblement à passer au plan B ! », a conclu notre consoeur. A.H.

Gros Plan : Plan B : quand la médecine ne peut plus rien pour l'oreille du chien

Quand les otites chroniques atteignent la bulle tympanique, la seule solution devient chirurgicale avec une technique dite ATCA-OLB*. Elle n'est pas dénuée de risques.

Le chirurgien vétérinaire Camille Bismuth (CHV Frégis) est intervenu lors d'une conférence sur les otites organisée dans le cadre du congrès France Vet, le 10 juin, à Paris, pour présenter les difficultés et les complications de la chirurgie dite ATCA-OLB* utilisée pour traiter les otites chroniques qui atteignent la bulle tympanique.

En début de sa conférence, notre consoeur a décrit les étapes chirurgicales en détaillant les pièges à éviter.

La conférencière a précisé que la chirurgie avec une lame froide (lame de scapel) entraînait de nombreux saignements qui oblitèrent la vision du champ opératoire. Dans ce cas, posséder un aspirateur chirurgical est plus que souhaitable. Sa préférence va au bistouri électrique de coagulation monopolaire qu'elle utilise pour cette chirurgie et dont l'emploi qui, bien que proche d'un cartilage, ne pose pas de problème de cicatrisation.

La section de la peau de l'entrée du conduit doit être précautionneuse car les muscles qui assurent les mouvements de l'oreille s'insèrent dans cette zone. Cela peut poser un souci esthétique pour des races possédant un port dressé des oreilles.

Retrait du conduit

Le décollement des tissus du conduit vertical peut se faire à la compresse sèche. Le nerf facial ayant son trajet à proximité du site d'intervention doit être identifié. « Il faut le visualiser mais ne pas l'entourer avec un drain de Penrose car cela accentue les risques de traction et peut conduire à une lésion de ce nerf capital de la face. Les incisions doivent se faire caudalement à crânialement pour éviter toute section du nerf VII », a-t-elle précisé.

Le retrait du conduit ne pose pas d'autres difficultés majeures. L'étape du nettoyage de la bulle tympanique et l'ostéotomie qui l'accompagne doivent être réalisées de façon minutieuse. « Il faut retirer tout l'épithélium de la bulle tympanique pour éviter de nouvelles infections, les étapes de curetage, de flush et d'aspiration ne doivent pas être négligées », a souligné Camille Bismuth.

Les suites de cette intervention sont classiques avec la pose d'un carcan et la prescription d'antibiotiques (un antibiogramme est nécessaire). Les fils se retirent entre 12 et 21 jours selon les cas.

Complications possibles

Malheureusement, les complications existent : syndrome vestibulaire dans 5 à 30 % des cas selon les études, syndrome de Claude Bernard-Horner, plus fréquent chez le chat que le chien, paralysie faciale. Cette dernière peut durer plus d'un mois selon la réponse au traitement médical engagé par le praticien. Ce traitement demeure exigeant : voie oculaire, toutes les 4 heures.

La récidive infectieuse peut intervenir dans les 12 mois si le nettoyage de la bulle est incomplet ou s'il reste une partie de l'épithélium. Une réintervention chirurgicale devient nécessaire. La discussion avant l'intervention doit donc être poussée avec le propriétaire car il faut reconnaître que cette chirurgie n'est pas la solution miracle.

Faire peur tout de suite sur les risques encourus d'une otite mal soignée, pour motiver les propriétaires dans l'observance des soins médicaux est peut-être la clé de la réussite dans la gestion des otites externes du chien. A.H.

* Ablation complète du conduit auditif et ostéotomie latérale de la bulle tympanique.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1642

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