Maladie rénale chronique : communiquer avec les propriétaires de chat pour les impliquer dans la prise en charge

Le vétérinaire doit donc se montrer proactif dans la recherche de cette affection.

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Corinne DESCOURS-RENVIER

Néphrologie

L'implication des propriétaires est essentielle dans le suivi du chat atteint de maladie rénale chronique. Le vétérinaire doit communiquer avec eux pour leur expliquer comment dépister au plus vite la maladie et diminuer les risques d'échecs du traitement liés aux propriétaires.

ProPlan ND a organisé, le 28 juin, une webconférence sur l'importance de la communication entre vétérinaires et propriétaires de chats atteints de maladie rénale chronique 1 .

Spécialiste en médecine féline, notre consoeur Sarah Caney (Edimbourg, Royaume-Uni) a partagé son expérience en matière de dialogue avec les clients, du diagnostic de la maladie à la prise en charge de leur animal sur le long terme.

Dépister le plus tôt possible une atteinte rénale chez un chat augmente à la fois la qualité et l'espérance de vie de l'animal.

La détection précoce, enjeu pour le praticien

« Cependant, le diagnostic précoce de la maladie rénale chronique est un défi pour le praticien », explique Sarah Caney. « Elle peut en effet évoluer chez un chat apparemment en bonne santé ou dont les symptômes ne suffisent pas à attirer l'attention de ses propriétaires. Le vétérinaire doit donc se montrer proactif dans la recherche de cette affection. »

Notre consoeur conseille donc aux praticiens de développer le dépistage chez les chats qu'ils reçoivent en consultation, même en l'absence de symptômes évocateurs d'atteinte rénale. Cette approche permet par ailleurs de diagnostiquer de nombreuses autres maladies, comme l'hyperthyroïdie et l'hypertension systémique, et d'organiser rapidement leur prise en charge.

Un dépistage adapté à l'âge des chats

« La pandémie de Covid-19 a mis en avant la notion de soins adaptés à l'âge des patients, ce qui facilite grandement la communication auprès des propriétaires d'animaux », constate Sarah Caney qui s'appuie elle-même sur le poster des étapes de la vie du chat de l'association Icatcare 2  pour aborder le sujet avec ses clients. « C'est en effet un excellent moyen d'expliquer aux propriétaires de chats l'intérêt d'adapter la détection des maladies à l'âge de leur animal. Les chats âgés de 11 à 14 ans, considérés comme seniors, et les super seniors, au-delà de 15 ans, sont bien sûr les plus à risques et ceux qui doivent être suivis le plus régulièrement. »

Contacts étroits avec les propriétaires pour repérer rapidement les anomalies

L'association Catcare4life 3 conseille aux propriétaires de chats âgés de moins de sept ans de réaliser un bilan annuel avec, a minima , une évaluation de leur alimentation et de leur mode de vie, un examen clinique et une pesée.

Entre 7 et 10 ans, il est préférable de réaliser en plus un examen des urines et des analyses de sang et d'évaluer la pression sanguine.

Chez les chats seniors, âgés de 11 à 14 ans, la visite devient bisannuelle, en ajoutant un dosage de la thyroxine (T4).

Enfin, à partir de 15 ans, Sarah Caney réalise tous les trois mois un bilan avec les propriétaires de l'animal. « Il ne s'agit pas forcément de les recevoir en consultation », précise notre consoeur. « Un entretien téléphonique, une téléconsultation ou même un point avec un auxiliaire vétérinaire sont autant d'occasions de garder le contact avec eux. Il est aussi essentiel de leur apprendre à repérer les signes qui doivent attirer leur attention. »

Des paramètres pour dépister une maladie rénale chronique

Pour Sarah Caney, la mesure de la gravité spécifique urinaire (GSU) est un examen peu onéreux et très simple à réaliser en routine, un résultat inférieur à 1 035 étant considéré comme anormal. La baisse de la GSU n'étant pas spécifique d'une atteinte rénale, d'autres examens seront toutefois nécessaires pour préciser le diagnostic.

En ce qui concerne les analyses sanguines, notre consoeur suggère de doser a minima les protéines, les enzymes hépatiques, le glucose, l'urée et la créatinine. Pour aller plus loin, surtout après sept ans, on peut proposer un bilan hématologique complet et un dosage de la SDMA 4 et de la T4 totale.

« Si une élévation de la créatinine sanguine au-delà de 140 µmol/l est évocatrice d'une atteinte rénale, l'augmentation n'est manifeste qu'à partir du stade 2 de la maladie selon la classification de l'IRIS 5  », explique Sarah Caney. « Plus précoce, la hausse de la SDMA précède généralement de plusieurs mois celle de la créatinine. Elle est considérée comme significative au-delà de 14 µg/dl. » L'interprétation des résultats tiendra compte du contexte clinique.

La perte de poids, signe précoce d'une atteinte rénale chronique

Sarah Caney a ensuite présenté les résultats d'une étude portant sur 859 chats atteints de maladie rénale chronique 6 .

Dans cette étude réalisée en ligne, les chats étaient âgés de 13 ans en moyenne. Une polydipsie était rapportée par les propriétaires dans 54 % des cas, une perte de poids dans un cas sur deux et une polyurie chez 40 % des chats. Les modifications de la taille et de la forme des reins, la déshydratation et l'hypertension systémique étaient beaucoup plus rarement décrites ici.

La fréquence de la perte de poids observée par Sarah Caney est cohérente avec les résultats d'une autre étude parue dans le Journal of Veterinary Internal Medicine en 2016. Dans cet article, les chats avaient en effet perdu en moyenne 8,9 % de leur poids durant les 12 mois précédant le diagnostic d'insuffisance rénale chronique. Rétrospectivement, la perte de poids avait commencé trois ans auparavant chez certains animaux.

Sarah Caney conseille donc de peser systématiquement les chats et de calculer le pourcentage de variation de leur poids. « Ce calcul est en effet plus parlant qu'une simple pesée », précise notre consoeur. « Une perte comprise entre 5 et 10 % peut être considérée comme significative. Elle devient très sérieuse au-delà de 10 %. » En dessous de 5 %, on peut proposer au propriétaire de revoir l'animal quelques mois plus tard, en l'absence de signes cliniques. 

Prendre le temps de répondre aux questions des propriétaires

Si la plupart des maîtres s'investissent énormément dans le suivi de leur animal, il convient de comprendre et de s'adapter à leurs éventuelles limites, sans porter de jugement.

« Il ne faut pas sous-estimer l'impact émotionnel de l'annonce de la maladie rénale chronique sur les maîtres », précise Sarah Caney. « Il est important de leur consacrer du temps, répondre à leurs nombreuses questions et leur proposer des sources d'informations complémentaires : documents, sites Internet... ».

Ce temps passé au moment du diagnostic diminuera finalement les risques d'échec du traitement liés aux propriétaires.

1 La maladie rénale chronique est une détérioration ancienne et progressive de la fonction rénale. En dessous d'un certain seuil de capacité des reins à filtrer le sang, on parle d'insuffisance rénale chronique.

2 Icatcare.org

3 Catcare4life.org

4 SDMA : diméthylarginine symétrique. Marqueur précoce, dont l'élévation précède généralement de plusieurs mois celle de la créatinine sanguine.

5 IRIS : International Renal Interest Society.

6 An online survey of dietary and phosphate binder practices of owners of cats with chronic kidney disease, Sarah Caney, JFMS, 2016.

Gros Plan : L'alimentation, élément clé dans la prise en charge

Si l'IRIS* conseille de mettre en place une alimentation adaptée à partir du stade 2 de la maladie rénale chronique, de récentes études semblent décrire des bénéfices pour le chat dès le stade 1.

En cas de maladie rénale chronique, la priorité est de réduire le phosphore dans l'alimentation du chat. Les aliments pour insuffisants rénaux possèdent généralement d'autres spécificités : appétence élevée, apport calorique augmenté, choix de protéines de qualité, supplémentation en potassium, en vitamines...

Jouer sur la texture et le goût

Notre consoeur Sarah Caney (Edimbourg, Royaume-Uni) a conseillé d'introduire le nouvel aliment en dehors d'une période d'hospitalisation, en respectant une transition d'une dizaine de jours, lors de la webconférence organisée par ProPlan ND, le 28 juin.

Les chats âgés étant souvent réticents au changement, notre consoeur suggère à leurs propriétaires de jouer sur la texture et le goût de l'aliment ainsi que sur sa température. C.D.-R.

* IRIS : International Renal Interest Society.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1640

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