Fluoxétine : « Traiter l'anxiété, c'est traiter la mémoire »

La fluoxétine n'a pas un effet uniquement contrôlant mais elle change la représentation du monde par les chiens selon un modèle pessimisme/optimisme.

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Valérie DUPHOT

Comportement

Chez le chien, la fluoxétine est indiquée dans les états de déficit d'autocontrôle, les états phobiques, anxieux ou dépressifs et dans tous les états avec un risque agressif. De récentes publications montrent qu'elle réduit la persévérance, permet une meilleure association entre indices et absence de danger et améliore l'apprentissage pour une inversion de consignes.

« La fluoxétine est un inhibiteur de recapture strict de la sérotonine (IRSS) », a rappelé notre confrère comportementaliste Claude Béata, présentant de nouveaux liens entre la pratique vétérinaire et les connaissances sur la fluoxétine lors de la soirée Comportement organisée par Axience pour les praticiens comportementalistes leaders d'opinion, le 22 septembre, à Paris.

« Le système sérotoninergique, inhibiteur de l'activité comportementale, intervient dans l'arrêt et le contrôle des séquences comportementales. Son importance croît dans l'évolution phylogénétique », explique notre confrère. « Dans un modèle simpliste, si une ou plusieurs des grandes fonctions (alimentation, sommeil, exploration, comportement somesthésique, locomotion, jeu, sexualité, agression, fuite) sont marquées par une augmentation de la motivation et une diminution du contrôle, la sérotonine est impliquée, ce qui justifie l'utilisation d'un IRSS et donc de la fluoxétine ».

Claude Béata liste les indications de la fluoxétine chez le chien : dans les états de déficit d'autocontrôle (sur l'impulsivité et la compulsivité), les états phobiques, anxieux ou dépressifs (pour oublier les mauvais apprentissages et en apprendre de nouveaux) et dans tous les états pour le risque agressif.

Utilisation dans l'agressivité

« Très utilisée en médecine humaine, la fluoxétine bénéficie de deux articles pour soutenir la prescription du vétérinaire sur le syndrome hypersensibilité-hyperactivité à haute dose - en dehors du RCP », ajoute-t-il. « Initialement mise sur le marché vétérinaire il y a quelques années dans l'indication « anxiété de séparation », la fluoxétine n'a pas un effet uniquement contrôlant mais elle change la représentation du monde par les chiens, selon un modèle pessimisme/optimisme ».

Dans les états phobiques, anxieux ou dépressifs, la fluoxétine favorise l'oubli et permet de redonner de la flexibilité cognitive. Elle facilite le retour de neurones à l'état immature. « Traiter l'anxiété, c'est traiter la mémoire et il n'y a pas qu'une seule mémoire », insiste Claude Béata.

De récentes publications montrent que la fluoxétine réduit la persévérance (comportements moins rigides), permet une meilleure association entre indices et absence de danger et améliore l'apprentissage pour une inversion de consignes.

« La prescription de fluoxétine dans tous les états avec un risque agressif n'est jamais une revendication des laboratoires mais c'est une utilisation quotidienne pour les vétérinaires. Beaucoup de chiens ne seraient pas en vie sans elle », explique notre confrère.

Différents facteurs peuvent influencer l'utilisation de la fluoxétine : le sexe (chez le rat), la hiérarchie (macaque, hamster syrien).

Thérapie comportementale nécessaire en parallèle

Rappelant que la thérapie comportementale est nécessaire en parallèle à l'administration de fluoxétine, il souligne que le RCP donne une dose de 1-2 mg/kg pour les chiens alors que « pour les vétérinaires, elle s'utilise à 2-4 mg/kg pour tout ce qui est contrôle ». Des publications montrent que des doses inférieures pourraient être utilisées chez les adolescents.

Pour les agressions sévères, notamment dans les cas de dyssocialisation primaire, la fluoxétine peut être associée à Androcur ND.

« La littérature montre que les AINS diminuent l'action des IRSS. Il faut y penser lorsqu'un chien agressif a des douleurs et que la tentation est grande d'associer AINS et IRSS », alerte Claude Béata.

Le RCP de la fluoxétine mentionne une contre-indication de prescription en cas d'épilepsie. « Dans mon expérience, cela se pèse et se discute avec le propriétaire. Certaines crises sont dues à l'anxiété paroxystique qui passent pour des crises d'épilepsie », indique notre confrère.

Le surdosage en fluoxétine provoque un dodelinement de la tête et des claquements des dents.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1634

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