Antiparasitaires externes : un mini-guide grand public pour un usage écoresponsable
Mercredi 10 Janvier 2024 Vie de la profession 49055Ce mini-guide donne des conseils pratiques pour la bonne utilisation des antiparasitaires externes pour limiter leurs impacts sur la santé animale, humaine et environnementale.
© D.R.
Environnement
L'association Santé Environnement France (Asef), dédiée aux sujets de santé environnementale, en collaboration avec EcoVéto (les vétérinaires de l'association en sont les rédacteurs), publie un mini-guide pour le grand public sur les antiparasitaires externes afin de donner des conseils pratiques pour la bonne utilisation de ces produits et ainsi limiter leurs impacts sur la santé animale, humaine et environnementale. Ce document avait été annoncé lors du module Biodiversité SNVEL/Afvac* organisé dans le cadre du congrès de l'Afvac 2022** (lire DV n° 1649). Il est téléchargeable ici.
L'association rappelle que les animaux de compagnie, plus exposés aux parasites externes et internes que les humains, peuvent être traités avec des antiparasitaires en pipette, spray, collier, shampoing, comprimé...
« Les molécules qui composent les antiparasitaires sont des biocides et ont des conséquences importantes sur la santé humaine et la biodiversité par contamination des eaux de surface. Lorsque ces molécules font l'objet d'études chez les humains, elles sont classées dans les nombreux pesticides qui nous côtoient au quotidien. Il n'y a pas de danger à court terme mais l'effet cocktail sur la santé humaine est encore en cours d'évaluation » , précise l'Asef. « Certaines catégories de personnes - enfants, femmes enceintes - doivent particulièrement prendre des précautions vis-à-vis de ces molécules » .
L'utilisation n'est pas automatique
L'association ajoute qu'il est important de choisir le produit avec le moins de composant possible, respecter l'espèce de destination et qu'il n'est pas nécessaire de vermifuger à chaque traitement antiparasitaire externe l'animal : « Après utilisation du produit, il est impératif de se laver les mains et d'éliminer correctement les emballages vides par une filière adaptée (pharmacie ou vétérinaire s'il récupère les médicaments non utilisés) ». Les selles de l'animal traité doivent être ramassées durant la période d'efficacité du produit y compris dans le jardin ou en balade pour protéger les organismes aquatiques et les insectes, en particulier coprophages ou pollinisateurs.
« Comme tous les médicaments, l'utilisation des antiparasitaires n'est pas automatique. Chez les chats et les chiens, il y a des facteurs individuels et environnementaux dans une infestation aux puces et aux tiques : si l'animal est en bonne santé et l'environnement peu contaminé, une surveillance régulière (une fois par semaine) et pour les chiens après chaque balade à risque (grandes herbes ou forêt) permet de ne traiter qu'en cas de besoin l'animal » , estime l'Asef.
L'Asef ajoute que, du fait de la persistance et du transfert de certaines molécules dans l'environnement et de la sensibilité de certaines populations plus à risque, les comprimés doivent être privilégiés dans certaines circonstances : lors de la présence de jeunes enfants dans le foyer ou d'une femme enceinte, si le chien se baigne ou est souvent lavé, si l'animal partage la literie des humains. V.D.
* SNVEL/Afvac : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral/Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.
** L'édition 2023 du module Biodiversité SNVEL/Afvac s'est tenue le 1er décembre au congrès de l'Afvac, à Lille.
Gros Plan : Impact des polluants sur la santé : « le début d'un partenariat avec d'autres acteurs de la santé »
L'Association Santé environnement France informe le grand public sur l'impact des polluants sur la santé et donne des conseils pour les éviter. Comme pour l'antibiothérapie ou la vermifugation, substituer la prophylaxie chimique systématique par des utilisations raisonnées est un changement inconfortable, qui peut provoquer une augmentation du risque mais qui apporte en contrepartie des avantages dans une optique Une seule santé. Le mini-guide qu'elle propose, en collaboration avec EcoVeto (association de vétérinaires) que nous interrogeons, est le début d'un partenariat avec d'autres acteurs de la santé pour participer à un réseau de connaissance et de compétence autour de la santé environnementale.
■ La Dépêche Vétérinaire : Vous venez d'éditer un mini-guide sur l'utilisation des antiparasitaires externes. A qui s'adresse ce guide ? Comment est-il diffusé ?
EcoVeto : L'Association Santé environnement France (Asef), constituée en 2008 et composée exclusivement de professionnels de santé (en majorité des médecins), a pour objectif d'informer le grand public sur l'impact des polluants sur la santé et surtout de donner des conseils pour les éviter. En 2022, notre consoeur Floriane Lanord, alors présidente d'Ecovéto, avait déjà écrit une brève communication pour les membres de l'Asef sur l'impact des antiparasitaires (APE).
L'Asef l'a ensuite sollicitée pour écrire un mini-guide corrigé collégialement par Ecovéto sur l'utilisation des APE à l'intention des propriétaires d'animaux. Nous ne sommes ni écotoxicologues, ni pharmacologues, c'est un document de sensibilisation et de vulgarisation auquel nous avons contribué. Il sera diffusé via l'Asef.
■ D.V. : Y a-t-il beaucoup de preuves documentées (articles publiés dans des revues à comité de lecture) du danger pour les humains et l'environnement des antiparasitaires externes utilisés chez les chiens et les chats ? Vos recommandations s'appuient-elles sur ces preuves scientifiques ?
EcoVeto : La grande majorité des recommandations dont nous nous sommes servis pour élaborer ce mini-guide sont simplement extraites des précautions d'emplois disponibles sur les AMM des principaux APE. Peu de propriétaires savent par exemple qu'il est déconseillé de toucher le site d'application tant que celui-ci est visible.
Nous avons tendance à oublier que les molécules utilisées à l'élaboration des APE sont des pesticides. Il existe effectivement de nombreuses publications scientifiques sur le sujet que vous pouvez trouver sur notre site (www.ecoveto.org/anti-parasitaires-astuce). Si l'on s'intéresse aux contaminations environnementales, il a été prouvé que beaucoup de ces molécules sont toxiques pour les organismes aquatiques.
D'un point de vue santé humaine, les études PestiHome et Esteban ont révélé la contribution des APE dans les sources d'exposition aux pesticides de la population française. Or les liens de présomption sont forts entre l'exposition aux pesticides et le risque de développement de cancers (expertise de l'Inserm Pesticides et effets sur la santé). C'est un sujet important dont nous devons nous emparer en tant que vétérinaires.
■D.V. : Pour une utilisation raisonnée des vermifuges, recommandez vous la réalisation de coproscopies régulières chez les chats et les chiens, à l'image de ce qui est pratiqué en exercice rural ?
EcoVeto : Malheureusement nous n'avons pas trouvé beaucoup d'études sur l'intérêt des coproscopies pour la vermifugation raisonnée des chiens et chats à la différence de la pratique rurale où la bibliographie est abondante. Nous avons plusieurs fois essayé de contacter l'ESCCAP mais nos courriels sont restés à ce jour sans réponse.
Idéalement, il faudrait pouvoir développer cet outil diagnostique. En pratique, les coproscopies des carnivores domestiques sont contraignantes à faire au sein de son cabinet et ont également un coût environnemental par la pollution chimique, voire plastique et numérique (dans le cas de l'utilisation de l'intelligence artificielle) qu'elles génèrent.
En revanche, ce que nous préconisons reste du bon sens, par exemple : est-il indispensable de coupler les prescriptions d'APE et d'API alors que les cycles des parasites externes et internes sont très différents? Savoir adapter notre prescription au contexte de vie de l'animal est au coeur de notre pratique vétérinaire et crée un lien fort avec les propriétaires.
■D.V. : La surveillance régulière des chats et des chiens recommandée par le guide de l'Asef pour évaluer la présence de parasites est-elle réaliste ?
EcoVeto : En échangeant entre confrères et consoeurs, il nous semble que cette surveillance est déjà effective sur le terrain. Dans de nombreuses régions, la prévention contre les tiques et la maladie de Lyme en santé humaine a naturellement modifié les habitudes des propriétaires d'animaux qui appliquent cette recommandation.
Comme pour l'antibiothérapie ou la vermifugation, substituer la prophylaxie chimique systématique par des utilisations raisonnées est un changement inconfortable, qui peut provoquer une augmentation du risque mais qui apporte en contrepartie des avantages pour les trois santés (One Health). Cela dépend donc des priorités et du degré d'acceptabilité du risque qui devrait être connu du propriétaire et décidé en concertation.
Avons-nous besoin d'attendre des législations pour faire évoluer nos prescriptions d'APE? Les modèles théoriques prédisent déjà le risque et des mesures in situ indiquent déjà des seuils dépassés en terme d'exposition. Face à de tels enjeux de santé publique, les laboratoires, les propriétaires d'animaux et les vétérinaires devraient travailler main dans la main pour éviter une potentielle nouvelle crise sanitaire qui endommagerait encore une fois la confiance vis-à-vis des professionnels.
■D.V. : Le rapport bénéfice/risque pour éviter des maladies graves ou parfois mortelles est-il vraiment en faveur de cette recommandation ?
EcoVeto : Une réponse courte à cette question est délicate car la mise en place d'une utilisation raisonnée des antiparasitaires demande un traitement au cas par cas incluant la volonté d'implication ou non du propriétaire, les conditions de vie de l'animal, son lieu de résidence et l'animal en lui-même (poids, pelage, âge, état de santé, allergie...).
Quand les études sont bien menées, on trouve souvent des cobénéfices à une utilisation raisonnée qui vient appuyer une vision One Health. Comme pour les biocides et le cercle de Sinner, la composante chimique n'est qu'une petite modalité de notre capacité d'action. Prendre en compte la composante bio psycho social de notre métier permet souvent à nos recommandations de s'enrichir de nouvelles dimensions.
Proposer l'inspection des animaux plutôt qu'une application systématique n'est pas une pratique archaïque mais peut au contraire être une bonne pratique quand elle est adaptée au contexte. Il s'agit donc de mieux prescrire et de protéger les plus vulnérables.
■D.V. : Qu'espérez vous avec la parution de ce guide ? D'autres guides sont-ils prévus ?
EcoVeto : C'est une occasion de participer à une médiation scientifique et favoriser de bonnes habitudes pour le grand public et les vétérinaires afin que les précautions d'emplois des AMM soient mieux suivies. C'est un rappel qu'en attendant d'avoir les études définissant les meilleurs pratiques, et pouvant garantir l'inocuité à long terme des mélanges d'antiparasitaires in situ, il est nécessaire de débanaliser l'utilisation et la vente des APE en intégrant une balance bénéfice/risque pour chaque situation et en fonction des populations humaines et autres qu'humaines exposées.
Ce mini-guide est donc le début d'un partenariat avec d'autres acteurs de la santé pour participer à un réseau de connaissance et de compétence autour de la santé environnementale.
Les actualités d'Ecovéto sont sa participation, en décembre, au congrès de l'Afvac* au sein d'un stand sur l'écoresponsabilité en collaboration avec le comité scientifique de l'Afvac. Nous commençons à animer notre nouvel outil La fresque de la clinique vétérinaire, atelier collaboratif en intelligence collective au sein d'écoles vétérinaires, ASV et dans certaines cliniques.
C'est également la rentrée des Déjeuners Ecovéto, qui ont lieu un jeudi par mois sur une thématique en lien avec l'écologie et le monde vétérinaire. ■
* Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.