Voeux de Jean-Yves Gauchot (président de la FSVF) : la profession vétérinaire au coeur des enjeux de transition

© Jacques Graf

Jean-Yves GAUCHOT

Président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF)

Il y a 5 ans, l'appa­ri­tion d'un nouveau virus dans la ville de Wuhan et la pro­pagation de la pandémie de Covid-19 ont montré au monde entier les liens entre notre santé et la faune sauvage, réservoir d'agents pathogènes pouvant être trans­mis aux animaux domestiques et aux humains.

Il y a deux semaines, la Plateforme inter­gouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco­systémiques (IPBES) a rendu un rapport important et fondateur - rapport Nexus -, qui porte sur l'évaluation scien­tifique des inter­connexions complexes entre bio­diver­sité, eau, alimentation, santé et chan­gement cli­matique*.

Ce rapport indique que le déclin de la bio­diversité a « des conséquences directes et désastreuses sur la sécurité alimentaire et la nutrition, la qualité et la disponibilité de l'eau, la santé et le bien-être, la résilience au chan­gement climatique (...) ». En analysant près de 200 scénarios relatifs à des interactions entre les différents éléments du nexus, ce rapport montre « que les scénarios axés sur les synergies entre la biodiversité, l'eau, l'ali­mentation, la santé et le changement clima­ti­que ont les meilleurs résultats (...) et que le fait de s'attacher à relever les défis dans un seul secteur de manière isolée limite sérieusement les chances d'atteindre d'autres objectifs ».

Pour ceux qui s'intéressent aux liens entre l'humanité et le monde vivant, tout cela peut paraître bien banal. Nous sommes régu­liè­re­ment alertés sur ces menaces contem­poraines et, au cours du dernier trimestre 2024, le hasard du calendrier a fait que trois grandes négociations mondiales distinctes - les COP pour Conference of Parties - se sont tenues pour permettre aux gouvernements du monde entier de relever les défis aux­quels nous sommes tous confrontés : COP16 sur la biodiversité à Cali, COP29 sur le climat à Bakou et COP16 sur la désertification à Ryad.

Toutes issues du Sommet de la terre qui s'était déroulé à Rio de Janeiro en 1992, ces grand-messes internationales ont rappelé que nos systèmes alimentaires (pris dans leur ensemble, des intrants de l'agriculture jusqu'à nos habitudes de consommation) sont un élément essentiel de la compré­hension des crises environ­ne­men­tales. En effet, si les systèmes alimentaires sont une des victimes de ces crises, ils en sont égale­ment une des principales causes et leur évolution vers des systèmes plus sains et plus durables fait partie des solutions les plus efficaces et les moins coûteuses pour y répondre.

Le rapport Nexus montre que, parmi les options de réponse pour gérer durablement la biodiversité, l'eau, l'alimentation, la santé humaine et le changement climatique, plu­sieurs relèvent de domaines qui sont en relation avec notre profession : gestion de la biodiversité pour réduire le risque de propagation des maladies zoonotiques, agro-écologie, régimes alimentaires sains et durables, santé des sols...

Parce que nous sommes des professionnels de la santé, au coeur des actions de pré­vention et de lutte contre les zoonoses et de l'approche One Health-Une seule santé, les praticiens vétérinaires ont su faire évoluer leurs pratiques professionnelles vers une meilleure utilisation des médicaments vétérinaires et des biocides, contribuant ainsi à la lutte contre l'antibiorésistance et à la préservation de l'environnement.

Au moment où nous entrons dans le deu­xième quart de ce siècle, dont nous savons qu'il sera crucial pour construire un avenir durable pour les générations futures (l'année 2050 est devenue un symbole des transi­tions à réussir), la profession vétérinaire doit s'engager dans tous les domaines qui relèvent de sa compétence.

La transition agro-écologique des produc­tions animales est au coeur des sujets sur lesquels nous pouvons nous engager. C'est la raison pour laquelle la FSVF organise, le 20 mars, dans les locaux de l'école vété­rinaire de Toulouse et avec le soutien de ses partenaires de l'Alliance Santé-Biodiversité, un séminaire « Comprendre pour agir avec les éleveurs », dont le principal objectif sera de contribuer à une vision partagée des enjeux et des conditions d'une transfor­mation des productions animales, dans le cadre de la transition vers des systèmes alimentaires durables. En partant d'une vision systémique des enjeux et des inter­dépendances du système alimentaire ainsi que d'une analyse des freins et des leviers existants, le séminaire permettra d'identifier des exemples de solutions pour initier et accompagner la transition agro-écologique des productions animales.

Les écoles vétérinaires ont pris l'initiative d'intégrer des enseignements relatifs à ces enjeux afin de mieux préparer les futurs vétérinaires pour qu'ils puissent relever ces défis complexes. La prochaine révision du référentiel national pour le diplôme vété­rinaire devrait permettre de renforcer les compétences attendues pour les jeunes diplômés, qui impliquent une approche glo­bale, intégrative et pluridisciplinaire. Cette approche s'applique à tous les domaines d'activité des futurs vétérinaires, qu'ils soient praticiens, agents publics, chercheurs, créateurs d'entreprises ou salariés dans des domaines parfois éloignés du coeur de métier. Afin de contribuer aux réflexions sur l'évolution de ce référentiel, la FSVF a éga­lement prévu d'organiser un séminaire de travail au cours du premier semestre 2025.

De nombreuses thèses d'exercice de jeunes vétérinaires montrent qu'ils souhaitent s'in­ves­tir sur ces enjeux de transition. Dans la conclusion de sa thèse d'exercice consa­crée aux systèmes agricoles et alimentaires, notre consoeur Hyacinthe Maitrepierre les qualifie de « carrefour de transition contemporain car ils sont au coeur des enjeux de la transition démographique, nutritionnelle, épidé­miolo­gique, énergétique et écologique ».

En souhaitant que vous partagiez cette ambi­tion de contribuer à l'accompagnement de ces transitions, je vous souhaite à chacune et chacun une excellente année 2025 !

* Le rapport est en ligne.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1735

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