Vices rédhibitoires : la suspicion de parvovirose doit être confirmée par PCR
Mercredi 14 Septembre 2022 Vie de la profession 44730Le litige concerne un chiot d'apparence raciale husky décédé quelques jours après sa vente.
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Vente
Un litige opposant l'acheteur d'un chiot à son vendeur autour d'une suspicion de parvovirose a conduit à une décision judiciaire favorable au vendeur. Le juge a requis la réalisation d'une autopsie sur le chiot pour confirmer la présence du virus, estimant insuffisant le résultat du seul test rapide.
Sur son site Internet, le syndicat des animaleries (Synapses) relate le cas d'un litige concernant l'achat d'un chiot suspect de parvovirose.
Le vendeur du chiot, adhérent du Synapses, a vendu le chien d'apparence raciale husky, le 3 mai 2021, mais le chien n'a quitté le lieu de vente que le 5 mai, le paiement du prix de l'animal n'ayant pas été accepté par l'établissement bancaire dans un premier temps. Les documents prévus à l'article L.214-8 du Code rural et de la pêche maritime ont été remis à l'acquéreur et le chien était valablement vacciné contre la parvovirose. Le lendemain, il a présenté vomissements et diarrhées et l'acquéreur a contacté le vendeur qui l'a orienté vers la clinique de son vétérinaire sanitaire. C'est un de ses confrères qui a examiné l'animal et diagnostiqué une gastro-entérite en prescrivant le traitement approprié. Ces soins ont été pris en charge par le vendeur.
L'état de l'animal ne s'améliorant pas, l'acquéreur a consulté son propre vétérinaire qui a suspecté une parvovirose et réalisé un test Snap Parvo qui s'est avéré positif. L'animal est décédé le lendemain.
Le vendeur propose alors la résolution de la vente au titre des vices rédhibitoires à la condition que la suspicion soit attestée par un test PCR, conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 2 août 1990. Le vétérinaire de l'acquéreur a refusé cette solution tout autant qu'une autopsie de l'animal qui tendrait à identifier la souche virale malgré la proposition du vendeur de prendre en charge les frais de cette autopsie.
Validité de la vaccination
« En dehors du cadre réglementaire (article R.213-3 du Code rural et de la pêche maritime), l'acquéreur introduit une action devant le tribunal judiciaire. La conciliation ayant été inopérante, l'audience a lieu en mai 2022, après plusieurs reports sollicités par l'acquéreur en réponse aux conclusions du vendeur. L'acquéreur conteste la validité de la vaccination, celle-ci ayant été effectuée à l'âge de 8 semaines, 15 jours avant son achat, alors que le vétérinaire de l'acheteur soutient que celle-ci aurait due être effectuée lorsque l'animal avait 6 semaines, justifiant cette position : en effet, le chiot est né le 20 février 2021 et a été vacciné le 23 avril 2021 à l'âge de 8 semaines alors qu'il aurait dû l'être à
6 semaines comme le préconisent les vétérinaires » (sic), ce qui est contraire à la notice du Nobivac CHP ND laquelle accompagne l'AMM délivrée par l'autorité compétente » , poursuit le Synapses dans l'exposé des faits.
Il ajoute que parmi les conclusions du vendeur, celui-ci reproche à l'acquéreur et par voie de conséquence à son vétérinaire « de ne pas avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article R.213-3 du Code rural et de la pêche maritime lequel aurait permis l'établissement d'un diagnostic en dehors de tout conflit d'intérêts, de ne pas avoir fait procéder aux examens complémentaires prévus à l'article 3 de l'arrêté du 2 août 1990 et maintient sa proposition de faire effectuer, à ses frais avancés ».
Dans son délibéré rendu début juillet, le tribunal judiciaire a retenu l'argumentation du vendeur et rendu une décision de sursis à statuer, c'est-à-dire que le fond de l'affaire ne sera pas traité avant que le client produise un compte rendu de l'autopsie afin de déterminer l'origine sauvage ou vaccinale du virus. M.L.
Gros Plan : L'analyse de maître Blanche de Granvilliers, avocat à la cour
La parvovirose est un vice rédhibitoire, classée parmi les maladies transmissibles de la race canine (article R 213-2 du Code rural). Or les conditions prévues par le Code rural sont très strictes à la fois pour constater le défaut et pour agir en justice. L'action en rédhibition (délai pour agir en justice qui est de 30 jours à compter de la livraison) n'est recevable que si un diagnostic de suspicion a été effectué dans un délai de six jours (à peu près équivalent à la durée d'incubation) après cette livraison et qu'un certificat a été établi.
Un certificat de suspicion rédigé et daté par un vétérinaire atteste d'un « diagnostic de suspicion » et doit faire état des différents éléments permettant de suspecter l'évolution de l'une des maladies transmissibles vices rédhibitoires, s'agissant en l'espèce de la parvovirose.
Veiller à ce qu'un expert se prononce
Dans tous les cas où le certificat n'a pas été établi, les droits à garantie de l'acheteur sur le fondement du Code rural sont anéantis puisque la preuve n'a pas été apportée que l'infection était antérieure à la livraison. Il est donc important que ce document ait été rédigé par un vétérinaire.
Le vétérinaire doit aussi veiller à permettre qu'un expert se prononce ultérieurement sur la réalité du vice rédhibitoire maladie transmissible et non plus sur une simple suspicion.
Car, comme l'avocat du vendeur l'a soutenu, la procédure prévoit bien qu'un expert doit être désigné et ce, par une procédure introduite devant le Tribunal dans un délai de 30 jours
Sachant que le chien est décédé, le cadavre devra avoir été conservé dans des conditions adéquates pour permettre à l'expert de se prononcer sur les causes du décès.
Garantie de conformité
C'est également à juste titre que le vendeur demandait à ce que la suspicion soit attestée par un test PCR, conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 2 août 1990. En effet, les vétérinaires ont une technique de diagnostic extrêmement pratique à leur disposition, la PCR, qui permet de mettre le virus en évidence dans des échantillons biologiques variés, dont le sang.
Cependant, l'ensemble de ces éléments qui devraient permettre au vendeur de démontrer le non respect de la procédure sur le plan du Code rural, ne permettra pas forcément à l'éleveur d'échapper à sa responsabilité pour une raison simple : la vente était soumise à l'époque à la garantie de conformité prévue par le Code de la consommation
(L 217-1 et suivants du Code rural). C'est pourquoi le juge n'a pas débouté l'acquéreur malgré le non respect de la procédure du Code rural, puisque ce dernier peut se prévaloir de la garantie de conformité (applicable pour toutes les ventes jusqu'au 31 décembre 2021). Si l'acheteur parvient à démontrer que le bien (entendez le chiot) était atteint d'un défaut de conformité au moment de la vente, il pourra obtenir la résolution de la vente et des dommages et intérêts.
Le juge est cependant attentif aux preuves apportées : l'acheteur doit démontrer les causes du décès et que cette cause du décès provient bien d'un défaut antérieur à la vente.
Précisons que même si le défaut est un vice rédhibitoire prévue par le Code rural, l'acheteur pouvait également se prévaloir de la garantie de conformité même s'il n'a pas respecté la procédure applicable aux vices rédhibitoires. ■