Vétérinaire, un métier d'homme ?

Une forte présence de femmes dans une profession engendre une augmentation des vocations féminines concomitamment à une diminution des vocations masculines.

© VadimGuzhva-Adobe

Maud LAFON

Enquête

« Tu seras vétérinaire mon fils ». Une expression d'un autre temps puisque vétérinaire est désormais un métier qui semble attirer presque exclusivement les filles. Pourquoi ? Les facteurs qui concourent à la féminisation de la profession ont été très étudiés. Ceux qui génèrent cette désaffection chez les garçons, un peu moins. Un retour à un équilibre de genre serait-il souhaitable pour l'avenir de la profession ?

Faut-il attirer davantage les garçons dans les écoles vétérinaires au nom de la diversité ? La parité est appelée, voire exigée, dans de nombreux domaines, tant en politique qu'en ressources humaines. Elle ne semble pas de mise dans la profession vétérinaire, exclusivement masculine à sa création et qui a vu la tendance s'inverser radicalement ces dernières décennies avec plus de 70 % d'étudiantes dans les écoles vétérinaires.

Sans s'abriter derrière un hashtag He Too non politiquement correct, le Vet Record a osé relayer, le 19 juin, la question qu'ont posée, timidement, des membres du conseil du Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS) lors d'une réunion le 10 juin dernier. Au nom de la diversité qui « doit être considérée sous toutes ses formes », l'hypothèse d'attirer plus d'hommes dans les écoles vétérinaires a été soulevée.

Il fut un temps où, lorsque les hommes étaient majoritaires parmi les étudiants, les efforts consistaient à attirer plus de femmes dans les études vétérinaires au Royaume-Uni. C'est chose faite aujourd'hui, avec un résultat qui dépasse de beaucoup la parité outre-Manche comme ailleurs et notamment en France. En faveur de la diversité, n'est-il pas temps d'attirer plus d'hommes désormais ?, a interrogé ce membre du RCVS.

Sujet tabou

Sujet presque tabou, non évoqué et encore moins traité par nos instances professionnelles, la question du retour des hommes dans les écoles vétérinaires et, au-delà, dans la pratique, interpelle pourtant les sociologues, à l'instar de Catherine Tourre-Malen (lire ci-dessous) qui voit dans cette inversion relativement récente et rapide du sex ratio dans la profession vétérinaire un phénomène collectif et irréversible.

Pour rappel, la parité au niveau des primo-inscrits au tableau de l'Ordre a été atteinte le 1er février 2017 avec 9 119 hommes et 9 119 femmes.

Si leur accès au métier de vétérinaire a été tardif, les femmes se sont donc, depuis, bien rattrapées au point que sur les 19 530 vétérinaires inscrits à l'Ordre fin 2020, 55,6 % sont des femmes. La proportion de femmes passe même à 72,7 % dans la population des vétérinaires de moins de 40 ans (source : Atlas démographique vétérinaire 2021).

Pourtant, cette évolution était difficile à imaginer il n'y a encore que quelques décennies. « Le temps des pionnières s'est prolongé jusqu'au début des années 1980. Mais ensuite, l'introduction de femmes a été rapide et massive au point qu'elle paraît irréversible. Comme cela a été constaté dans d'autres métiers féminisés, une forte présence de femmes engendre une augmentation des vocations féminines. Concomitamment, on observe une diminution des vocations masculines », constate Catherine Tourre-Malen*.

Entrepreneurs du vivant

Pourquoi ce glissement d'un sexe à l'autre dans une profession ?

Dans l'enseignement agricole, un métier « d'entrepreneurs du vivant » également, le sex ratio reste en faveur des hommes avec 56 % d'étudiants de sexe masculin (source : DGER, 2021).

Pourtant, les garçons qui le passent semblent réussir aussi bien au concours que les filles. Le problème viendrait donc plutôt d'une attractivité du métier. Il est d'ailleurs assez général à tous les métiers du vivant.

Si la féminisation est un des facteurs qui va influencer l'évolution de la profession vétérinaire, ce n'est évidemment pas le seul ni même sans doute le principal. L'évolution des attentes sociétales, les nouvelles technologies, le rapport des nouvelles générations au travail vont aussi impacter les modes d'exercice.

Les impacts de cette féminisation galopante ont été très étudiés et ont fait l'objet de nombreux travaux et thèses. Les conséquences d'une « remasculinisation » forcée le sont beaucoup moins. Quelles en seraient les répercussions économiques par exemple ? Faut-il vraiment appeler cette mixité de nos voeux ?

* La féminisation de la profession vétérinaire, Essai d'histoire prospective, Catherine Tourre-Malen, Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2016, 16 : 135-142.

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Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1587

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