Un cas de pyodermite profonde localisée récidivante traitée par biomodulation par fluorescence chez un chien

Sébastien VIAUD

Dip. ECVD, spécialiste en dermatologie

Centre hospitalier vétérinaire Aquivet

(33320 Eysines)

Dermatologie

Les pyodermites superficielles et profondes sont relativement fréquentes chez le chien. L'émergence et le développement de résistances bactériennes ces vingt dernières années imposent le développement d'alternatives à l'antibiothérapie systémique. Les soins topiques, quand ils sont possibles, en sont une. Dans ce cas de pyodermite profonde localisée récidivante, la biomodulation par fluorescence (Phovia ND) a permis une résolution durable des lésions infectieuses.

Anamnèse et commémoratifs

Iron, boxer mâle âgé de 7 ans et de 44 kg, est présenté en consultation pour l'apparition depuis plusieurs semaines de plaques érythémateuses et pustuleuses sur les deux cuisses.

Iron a déjà été présenté en consultation plusieurs mois auparavant, puis avait été perdu de vue. Un diagnostic de furonculose bactérienne interdigitée, associée à une prolifération bactérienne et de Malassezia de surface interdigitale, et d'otite externe bilatérale à Malassezia , secondaires à l'évolution d'une dermatite atopique, avait alors été établi.

Parmi les traitements prescrits initialement, la ciclosporine orale (CYA) (4,8 mg/kg/jour) est toujours administrée, associée à des shampooings antiseptiques (chlorhexidine 2 %/miconazole 2 %) et à une lotion antiseptique (chlorhexidine 4 %), appliqués régulièrement. Une antibiothérapie orale (amoxicilline/acide clavulanique à la dose de 11,4 mg/kg matin et soir) a été mise en place pendant 10 jours sans amélioration visible des lésions des cuisses et Iron est alors à nouveau référé en consultation de dermatologie.

Examen dermatologique et examens complémentaires

Lors de l'examen dermatologique, des plaques érythémateuses, furonculeuses, lichénifiées et alopéciques sont mises en évidence en face latérale des deux grassets. Le reste du corps est épargné (et notamment les pieds).

A l'examen cytologique de furoncle, une réaction pyogranulomateuse à bacilles est observée.

Un examen bactériologique avec antibiogramme est alors réalisé à partir de plusieurs furoncles et met en évidence de nombreuses colonies d'Escherichia coli sensibles à la plupart des antibiotiques systémiques testés, à l'exception des ß-lactamines.

Une association de sulfaméthoxazole/triméthoprime est prescrite à la dose de 600 mg/120 mg matin et soir pendant au moins 40 jours, associée aux soins topiques antiseptiques déjà en cours, dont la fréquence est renforcée. Le choix est fait de maintenir la CYA compte tenu du bon contrôle par ailleurs des symptômes de dermatite atopique.

Suivi

Lors du contrôle à 40 jours, les lésions cutanées ont nettement régressé mais quelques rares furoncles subsistent en périphérie des deux plaques relativement inertes de la face latérale des deux grassets.

Compte tenu du faible nombre de lésions et de leur aspect très localisé, un traitement antiseptique topique en gel à base de peroxyde de benzoyle 2,5 % est prescrit matin et soir pendant 15 jours, puis 2 à 3 fois par semaine, en remplacement de la chlorhexidine à 4 %. Les shampooings antiseptiques et la CYA sont poursuivis. L'antibiothérapie systémique est arrêtée.

Iron est revu en consultation de contrôle 3 mois après. Les soins topiques et la CYA ont été espacés. De nouveaux furoncles et des fistules sont présents en face latérale des deux grassets.

Une prise en charge par biomodulation par fluorescence (BMF, Phovia ND) des zones lésées récalcitrantes est alors proposée.

Cinq sessions, à une semaine d'intervalle, de deux applications consécutives de BMF sont alors planifiées. A chaque session, les zones de pyodermite profonde sont tondues et désinfectées à la chlorhexidine savon, puis un gel contenant des chromophores y est appliqué en couche de 2 mm d'épaisseur.

Chaque zone lésée est alors illuminée avec une lampe activatrice LED pendant deux minutes. Les zones traitées sont ensuite nettoyées avec de la solution saline stérile. Une deuxième séance est réalisée pour chaque zone lésée, à l'identique, 5 minutes après la première.

Un mois après la cinquième et dernière session, les lésions de pyodermite profonde ont complètement régressé. Il ne subsiste plus que des plaques alopéciques cicatricielles.

Des soins topiques antiseptiques réguliers et la CYA sont poursuivis, comme pendant toute la période des séances de BMF.

Six mois après, la propriétaire d'Iron n'a toujours rapporté aucune récidive de lésions de pyodermite sur l'ensemble du corps et notamment sur les grassets.

Discussion

L'utilisation généralisée d'antibiotiques représente une menace importante pour la santé publique. La pression sélective facilitée par leur (mauvaise) utilisation est identifiée comme le facteur le plus important pour l'émergence de souches bactériennes résistantes.

L'importance grandissante, lors d'infections chez les animaux de compagnie, des entérobactéries ß-lactamases à spectre étendu, comme dans notre cas, des Staphylococcus méthicilline-résistants et de Pseudomonas aeruginosa , est ainsi bien décrite.

Des études récentes ont montré que la thérapie antibactérienne topique peut être efficace seule dans la gestion des pyodermites superficielles, permettant ainsi de réduire la prescription globale d'antibiotiques systémiques.

Une revue des traitements topiques antibactériens chez le chien a conclu que, si les preuves issues d'essais contrôlés randomisés étaient rares, de bonnes preuves étayaient l'utilisation de shampooings contenant 2 à 4 % de chlorhexidine et, dans une moindre mesure, du peroxyde de benzoyle, ou encore, pour les formes localisées, des crèmes ou des gels contenant de l'acide fusidique.

Pour autant, l'arsenal thérapeutique reste limité, qui plus est pour les cas de pyodermite profonde.

D'autres approches sont étudiées et développées mais jusqu'ici peu (les peptides antimicrobiens notamment) ont conduit au développement de produits vétérinaires.

La photobiomodulation (PBM), une forme de luminothérapie, est un processus non thermique impliquant des chromophores endogènes qui absorbent sélectivement les longueurs d'onde de basse énergie et engendrent des phénomènes de signalisations cellulaires à l'origine de synthèses biologiques majeures, produisant alors des effets cliniques notables (antalgiques, anti-inflammatoires et/ou cicatrisants).

La BMF, modalité de PBM qui utilise l'énergie lumineuse fluorescente, est largement appliquée en dermatologie humaine pour le traitement, par exemple, de l'acné, des ulcères veineux ou du pied diabétique et des escarres.

Des études vétérinaires récentes montrent que la BMF peut être capable de réduire l'inflammation et de contrôler les proliférations bactériennes chez le chien.

Elle pourrait être considérée comme une nouvelle option thérapeutique des pyodermites, éventuellement en remplacement de certains traitements topiques, améliorant ainsi l'observance du propriétaire, et éliminant le besoin ou réduisant la durée de l'administration d'antibiotiques systémiques. ■

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