Prise en charge des infections bactériennes et fongiques chez le chien atopique : les pyodermites superficielles et profondes

Aspect à distance d'une pyodermite superficielle chez un chien à poil court souffrant de dermatite atopique. Noter l'aspect mité du pelage.

© service dermatologie ENVT

Charline PRESSANTI

Dip. ECVD

École vétérinaire de Toulouse

Dermatologie

Les modifications cutanées engendrées par la dermatite atopique canine sont à l'origine d'états cutanés infectieux de trois types principalement : les syndromes de prolifération de surface, les pydodermites superficielles et les pyodermites profondes. La première entité a été présentée dans un précédent article (lire DV n° 1618).

Pyodermites superficielles

- Folliculite bactérienne

Il s'agit de la forme la plus classiquement rencontrée chez le chien souffrant de dermatite atopique. Dans ce contexte, il y a une véritable pénétration des agents infectieux bactériens au sein de l'épiderme générant une réponse spécifique du système immunitaire. Les bactéries sont présentes dans les lumières des follicules pileux, entraînant la formation de papules, de pustules folliculaires, de croûtes jaunâtres, de collerettes épidermiques (photo n° 2). Chez le chien à pelage court, ces pyodermites occasionnent la formation de lésions érythémateuses alopéciques multifocales (photo n° 1) souvent confondues avec une dermatophytose ou une démodécie.

Les antibiotiques systémiques sont encore recommandés pour le traitement de ces pyodermites chez le chien (tableau n° 1), surtout pour les formes étendues. Toutefois, dans un souci d'épargne de leur utilisation, il est souhaitable d'avoir recours autant que possible aux traitements par les soins locaux. Une tonte préalable peut être indiquée afin de dégager la peau et faciliter l'application du shampooing et son rinçage.

Quelques publications montrent une bonne efficacité du shampooing seul ou une efficacité équivalente à celle des antibiotiques pour le traitement des pyodermites superficielles.

Pour le traitement des formes localisées de pyodermite superficielle, il faut utiliser des antiseptiques appliqués localement.

- Superficial spreading pyoderma

Il s'agit d'une forme très superficielle de pyodermite très exfoliative, associée à des collerettes épidermiques, de l'érythème et de très nombreuses squames. Cette forme très superficielle peut plus facilement être traitée avec des soins locaux adaptés.

Pyodermites profondes

Ces pyodermites peuvent survenir d'emblée ou constituer l'évolution d'une pyodermite superficielle. La furonculose est la forme la plus fréquemment rapportée chez le chien, en particulier chez le chien atopique. Elle fait suite à la rupture du sac folliculaire, laissant pénétrer son contenu dans le derme et le tissu sous-cutané.

Les furonculoses podales sont souvent présentes lors de dermatite atopique. On note une prédisposition pour les races lourdes (sollicitation mécanique, labrador, bulldogs anglais), à poils courts (american Staffordshire terrier, bull terrier, boxer) (photo n° 3).

Le traitement de cette pyodermite profonde se fait par voie systémique (tableau n° 1). L'antibiotique doit être choisi à partir d'un examen bactériologique et antibiogramme réalisé sur lésions intactes.

Il est toujours essentiel d'associer des soins locaux antiseptiques qui auront un effet synergique avec l'antibiotique. Le nettoyage de la peau, l'élimination des débris et des croûtes accélèrent la guérison.

Particularités lors de dermatite atopique canine

Compte tenu du caractère chronique de la dermatite atopique, de la nécessité d'employer des molécules antiprurigineuses et des difficultés rencontrées pour stabiliser cette dernière, quelques éléments sont à retenir :

1- Il est déconseillé d'utiliser des molécules à propriétés immunomodulatrices lors de pyodermite superficielle et de pyodermite profonde. Les corticoïdes sont connus pour favoriser l'émergence de surinfections. L'oclacitinib par son mode d'action (sur le système immunitaire) peut également favoriser les infections cutanées. Bien qu'une étude récente a tendance à montrer que les chiens traités à l'oclacitinib présentent moins d'infections (18), cela est plus en lien avec une meilleure gestion de la cause primaire qui est l'inflammation atopique. Il faut néanmoins garder à l'esprit qu'en modulant au long cours les réponses immunitaires de l'individu, cela peut majorer le risque d'infection. Le lokivetmab ne présente pas de risques.

2- L'utilisation des corticoïdes et de l'oclacitinib sur les syndromes de prolifération de surface permet de soulager rapidement les démangeaisons. Il ne faut pas les utiliser seuls et toujours adjoindre le traitement local de l'infection de surface. Une utilisation prolongée des corticoïdes peut être facteur favorisant les pyodermites de surface.

3- Le caractère chronique de la dermatite atopique prédispose aux pyodermites à répétition :

- chez un patient sensible, les shampooings antiseptiques associés à un hydratant cutané peuvent être maintenus au long cours pour limiter le risque infectieux ; leur rythme doit être ajusté en fonction de la balance bénéfice-risque (altération de la barrière cutanée) ;

- l'utilisation répétée d'antibiotiques, à des doses trop basses (attention à la dose 10 kg d'un chien pesant 11 kg) ou sur des durées trop courtes, favorise l'émergence de résistance ; un examen bactériologique avec antibiogramme doit être réalisé lors de pyodermite profonde, dans un contexte sanitaire à risque, lorsque l'animal ne répond pas à un traitement antibiotique bien conduit ou lorsque les rechutes sont fréquentes.

Conclusion

Les infections cutanées sont fréquentes chez le chien atopique. Elles doivent être identifiées et traitées car elles sont potentiellement graves et contribuent à l'inconfort cutané et au défaut de barrière cutané du patient. Il est important de bien les identifier et correctement les traiter tout en tentant de stabiliser la cause primaire de l'infection qu'est la dermatite atopique.

Le traitement de ces infections est donc souvent complexe et s'insère dans une prise en charge multimodale de la dermatite atopique canine. Il faut, dans un tel contexte, privilégier les soins locaux qui permettent d'éviter une utilisation d'anti-infectieux systémiques qui présentent des effets indésirables potentiels et favorisent l'émergence des résistances.

A la fois curatifs et préventifs, ces soins topiques doivent être adaptés à la situation clinique, l'animal et son propriétaire.

Bibliographie sur demande auprès de La Dépêche Vétérinaire.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1621

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