Mastocytome cutané canin : nouvelles données sur les métastases ganglionnaires
Mercredi 9 Janvier 2019 Animaux de compagnie 31649Métastase ganglionnaire avérée à la cytologie. La présence d'atypies marquées permet d'affirmer avec certitude la présence d'un phénomène métastatique selon les critères cytologiques de Krick (MGG, x 1 000).
© Delphine Rivière, laboratoire CVet
Didier LANORE
Exercice exclusif en cancérologie, past président du GEO, ancien membre du bureau exécutif de l'ESVONC
Clinique Alliance
(33300 Bordeaux)
Pronostic
Le mastocytome cutané est la tumeur cutanée la plus fréquente du chien. Son pronostic varie selon le grade histologique et en fonction du stade clinique OMS. La présence d'une métastase ganglionnaire (correspondant à un stade 2) est un critère de pronostic péjoratif reconnu dans la littérature. L'affirmation de la présence d'une métastase ganglionnaire n'est pas toujours aisée. La cytologie est souvent un outil précieux mais l'histologie est la méthode de référence sans véritables critères de confirmation histologique utilisés en pratique quotidienne. La question de l'interprétation se pose donc. Le noeud lymphatique de taille normale ou non palpable peut-il être quand même métastatique ? Deux études répondent à ces interrogations, permettant une prise en charge des patients plus rigoureuse.
La première étude (Weishaar 2014) a concerné la validation d'une classification histologique en quatre stades de dissémination métastatique (tableau) et cherché à la corréler à l'évolution clinique des chiens présentant un mastocytome.
Deux voies d'entrée différentes ont permis d'inclure des chiens dans cette étude de manière rétrospective : recherche de résultats d'analyse histologique confirmant une métastase ganglionnaire ou simple présence de mastocytes dans le noeud lymphatique (NL) et inclusion par le biais d'une étude sur la détermination du NL lors de mastocytome cutané, avec analyse histologique systématique de NL retiré.
Les chiens ne pouvaient être inclus lors de tumeur macroscopique mais uniquement après exérèse chirurgicale du mastocytome cutané.
41 cas dans la première étude
L'étude présente de très nombreux biais :
- entrée par deux voies distinctes dont une avec métastase déjà suspectée ou même confirmée ;
- bilan d'extension non systématique, très incomplet et peu adapté : 21 radiographies thoraciques, aucun examen de moelle osseuse et uniquement 5 cytoponctions de foie ou rate... ;
- traitement non standardisé et très variable : chirurgie seule, chimiothérapie adjuvante, radiothérapie adjuvante ou les 3 à la fois.
41 cas ont ainsi pu être analysés (26 cas provenant de l'analyse histologique rétrospective et 15 de l'étude sur les NL sentinelles).
La taille médiane des mastocytomes était de 2 cm. La majorité des mastocytomes était des grades II ou III (seulement 4,9 % de grade I). La répartition entre les quatre catégories de la classification était la suivante : HN0 17,1 %, HN1 31,7 %, HN2 14,6 % et HN3 36,6 % (le plus fréquent).
Survie médiane de 1 824 jours
Pour la population entière, la survie médiane a été de 1 824 jours et les taux de survie à 1 an, 2 ans et 3 ans, de 77, 74 et 60 %.
De manière étonnante, aucune valeur pronostique n'a été trouvée ni pour le grade histologique ni pour l'ajout de la chimiothérapie adjuvante.
La seule corrélation trouvée entre la classification et le pronostic, validant ainsi sa valeur pronostique, a été la différence de survie entre deux lots, un regroupant HN0 et HN1 et un autre regroupant HN2 et HN3.
La survie médiane pour le premier a été de 1 824 jours et le taux de survie à 2 ans de 90 % contre 804 jours et 56 % pour le second (test de Gehan-Breslow-Wilcoxon, p = 0,0225).
La seconde étude rétrospective (Ferrari 2018) a concerné 93 chiens atteints d'un mastocytome cutané unique. Pour être inclus, les chiens devaient présenter un bilan d'extension négatif à distance.
Les NL superficiels, non palpables ou de taille normale (non supérieure en volume au NL controlatéral) les plus proches anatomiquement devaient avoir fait l'objet d'une analyse histologique avec application de la classification de Weishaar.
Majorité de noeuds lymphatiques superficiels
Les mastocytomes de l'étude étaient plutôt de petite taille (médiane de 1,5 cm) et traités pour 97 % d'entre eux en première intention.
87,1 % des mastocytomes étaient des grades II selon le grading de Patnaik et 89,3 % des bas grades selon le grading de Kiupel.
La majorité des NL évalués étaient essentiellement superficiels. Par exemple, aucun NL rétropharyngien n'a été pris en compte dans l'étude alors que plus de 50 % des analyses histologiques ont concerné les NL mandibulaires ou préscapulaires, concernant donc les mêmes territoires de drainage.
La répartition selon la classification en quatre groupes était la suivante : HN0 35,5 %, HN1 15 %, HN2 28 % et HN3 21,5 %, amenant le pourcentage de cas avec une métastase ganglionnaire significative sur le plan pronostique à 49,5 % !
Surtout des mastocytomes non agressifs
Si cette métastase n'avait pas été détectée, le stade clinique, l'évaluation pronostique et la prise en charge thérapeutique auraient été défectueux dans le sens d'un défaut de soins.
Il est à noter que parmi cette population de chiens avec métastase ganglionnaire, environ la moitié de ceux-ci était jugée par les gradings classiques comme présentant un mastocytome peu agressif (46,2 % de grades I et II et 44 % de bas grade de Kiupel).
Le seul critère significativement associé avec un stade NH supérieur à 0 était la taille de la tumeur primitive supérieure à 3 cm (p=0,05 en analyse univariée et p=0,04 en analyse multivariée).
A retenir
- La classification de Weishaar semble apporter une valeur pronostique (stades HN2 et HN3 de plus mauvais pronostic) et devrait ainsi être appliquée lors de chaque analyse histologique d'un NL lors de bilan d'extension d'un mastocytome.
- Dans environ 50 % des cas, un noeud lymphatique non palpable ou de taille normale peut être le siège d'une métastase avérée avec la connotation pronostique péjorative associée.
- Il est donc essentiel d'enlever systématiquement le noeud lymphatique le plus proche du site tumoral, même de taille normale ou non palpable, pour analyse histologique avec application de la classification de Weishaar.
- Ceci est d'autant plus important que cette métastase ganglionnaire peut très bien s'observer sur des tumeurs de bas grade. ■
Articles
Weishaar KM, Thamm DH, Worley DR, Kamstock DA., Correlation of nodal mast cells with clinical outcome in dogs with mast cell tumour and a proposed classification system for the evaluation of node metastasis. J Comp Pathol. 2014 Nov;151(4):329-38.
Ferrari R, Marconato L, Buracco P, Boracchi P, Giudice C, Iussich S, Grieco V, Chiti LE, Favretto E, Stefanello D., The impact of extirpation of non-palpable/normal-sized regional lymph nodes on staging of canine cutaneous mast cell tumours: A multicentric retrospective study. Vet Comp Oncol. 2018 Dec;16(4):505-510.