Manifestations cutanées des viroses félines : la poxvirose

Photo n° 1 : Nodules érythémateux et ulcérés de la face chez un chat atteint de poxvirose.

© D.R.

Eric GUAGUÈRE

Dip ECVD, DESV D

Arnaud MULLER

Dip ECVD

Clinique vétérinaire Saint-Bernard

(59160 Lomme)

Jean-Charles HUSSON

Dip ECVP, DESV AP

Frédérique DEGORCE-RUBIALES

DESV AP

LAPVSO

(31100 Toulouse)

Dermatologie

Les manifestations cutanées des viroses félines constituent un domaine en pleine évolution de la dermatologie dans cette espèce. Leur connaissance est importante car ces dermatoses entrent dans de nombreux diagnostics différentiels et constituent, pour certaines, un risque zoonotique réel. Voici les caractéristiques et la prise en charge de la poxvirose.

Les manifestations cutanées des viroses félines sont demeurées longtemps ignorées et peu documentées. Elles se caractérisent par leur diversité étiologique et clinique. Si l'histopathologie est un examen complémentaire important dans le diagnostic, l'utilisation de nouvelles techniques d'investigation (immunohistochimie, biologie moléculaire) permet une meilleure caractérisation de ces dermatoses1.

Étiopathogénie

La poxvirose est une dermatose virale due à un orthopoxvirus, le cowpox virus, décrite dans de nombreuses espèces, dont le chat. Cette dermatose virale est rencontrée en Europe et de plus en plus fréquemment en France1.

La poxvirose est observée principalement chez des chats ruraux chasseurs. La contamination se fait essentiellement à partir des petits rongeurs sauvages par voie transcutanée (morsures).

La prévalence des cas pendant l'été et à l'automne correspond à la saison d'activité principale de ces petits rongeurs et à leur pullulation pendant cette période.

Lors de l'inoculation, le virus subit une réplication locale responsable de la lésion primaire puis se dissémine par voie lymphatique et est responsable alors de l'éclosion de multiples lésions secondaires1.

Le risque zoonotique existe notamment chez les enfants, les personnes très âgées et les sujets immunodéprimés2.

Ce risque existe d'autant plus que la vaccination contre la variole n'est plus réalisée.

Signes cliniques

Les lésions cutanées primitives sont typiques - lésion généralement unique au point d'inoculation avec formation d'un(e) papule/nodule érythéma­teux(se) puis ulcéré(e) en son centre (pock lesion), sur la tête, le cou ou les membres antérieurs.

Les lésions secondaires peu prurigineuses surviennent en 10 jours environ et se caractérisent par de petits nodules ulcérés recouverts de croûtes de 0,2 à 2 cm de diamètre1,3 (photo n° 1).

20 % des chats environ montrent des ulcères dans la cavité buccale et sur la langue.

Des signes généraux (abattement, anorexie, hyperthermie, conjonctivite, rhinite) sont régulièrement signalés1,3.

Lors d'évolution favorable (dans la plupart des cas), ces lésions secondaires guérissent spontanément en 3 à 8 semaines.

Lors de surinfections bactériennes ou d'infection concomitante par le FIV, une généralisation dramatique des lésions cutanées et une pneumonie sont parfois à l'origine du décès du chat4.

Toutefois, la présence d'une coinfection avec le FIV n'indique pas nécessairement un pronostic réservé car 30 % des chats atteints de poxvirose et FIV positifs ne présentent que des formes mineures de la maladie.

Diagnostic

Les calques cutanés par impression, colorés par la coloration de May-Grünwald-Giemsa, peuvent révéler des inclusions éosinophiles intracytoplasmiques au sein des kératinocytes, caractéristiques des pox virus mais cet examen exige une bonne compétence en cytologie.

L'examen histopathologique de biopsies lésionnelles prélevées aux marges de lésions récentes montre une dégénérescence hydropique des kératinocytes et des cellules de la gaine épithéliale externe des follicules pileux, la présence, dans ces cellules, d'inclusions éosinophiles intracytoplasmiques typiques très nombreuses (photo n° 2), des microvésicules et une nécrose épidermique parfois étendue1.

La recherche du pox virus par PCR au sein des lésions cutanées est possible et donne de bons résultats. Les techniques qualitatives sont suffisantes.

Traitement - prophylaxie

Le traitement exclusivement symptomatique vise à lutter contre les surinfections bactériennes par une antibiothérapie de 2 à 3 semaines et une antisepsie locale et à maintenir l'alimentation parfois difficile à cause de lésions buccales douloureuses.

Tout traitement immunomodulateur (corticothérapie, ciclosporine A...) est contre-indiqué et peut être responsable de la généralisation des lésions.

Compte tenu du risque zoonotique, le chat malade doit être isolé. La résistance du virus dans le milieu extérieur (température ambiante, humidité) nécessite un nettoyage de l'environnement avec de l'eau de Javel.

L'usage de gants lors de la manipulation est vivement conseillé2.

De prochains articles traiteront notamment de la calicivirose et de l'herpèsvirose félines.

À lire

1  Nagata M et coll. Cutaneous viral dermatoses in dogs and cats. Compend Contin Educ Vet. 2013 ; 35 : E1.

2  Jungwirth N et coll. Atypical Cowpox Virus Infection in a Series of Cats. J Comp Pathol. 2018 ; 158 : 71-6.

3  Johnson MS et coll. Survival of a cat with pneumonia due to cowpox virus and feline herpesvirus infection. J Small Anim Pract. 2009 ; 50 : 498-502.

4  Haddadeen C et coll. A case of cowpox virus infection in the UK occurring in a domestic cat and transmitted to the adult male owner. Br J Dermatol. 2020 ; 183 : e190.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1648

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