« Le métier de vétérinaire rural a changé : les femmes y ont toute leur place »
Mercredi 29 Septembre 2021 Vie de la profession 41563Pour notre confrère Christophe Brard, les difficultés que connaît la profession actuellement ne sont pas inhérentes à la féminisation.
Analyse
Contrairement aux idées reçues, le monde rural s'ouvre de plus en plus à la féminisation. C'est en tout cas le point de vue de notre confrère Christophe Brard, président de la SNGTV*, pour qui revenir à un sex ratio plus équilibré ne résoudra cependant pas les défis auxquels est confrontée la profession actuellement.
■La Dépêche Vétérinaire : La question de l'érosion des vocations vétérinaires chez les hommes est-elle un sujet qui vous préoccupe pour l'exercice en productions animales ?
Christophe Brard, président de la SNGTV* : L'érosion de la part des hommes au sein de la profession n'est pas un sujet sur lequel les organisations professionnelles vétérinaires se sont investies. Nous ne l'abordons ni au niveau des réunions professionnelles, ni dans nos discussions avec les écoles. Le sex ratio dans la profession n'engendre pas les problèmes que nous connaissons, notamment en termes de maillage territorial.
Le fait que les femmes soient surreprésentées chez les vétérinaires n'est de toute façon pas typique à la profession, ni même à la France.
La question de fond relève plutôt de l'attractivité du métier et du décalage entre la vision qu'en ont les jeunes et la réalité, surtout en zones péri-urbaines et dans certaines zones rurales. Le sujet est d'objectiver le pourquoi et le poids de chaque facteur : qui renonce et pourquoi ? La corrélation avec la féminisation est-elle apparente ou réelle ?
■D.V. :Quels problèmes professionnels pourraient bénéficier d'un retour à unsex ratioplus équilibré ?
C.B. : Comme je viens de le dire, les difficultés que connaît notre profession actuellement ne sont pas inhérentes à la féminisation. Nous n'avons pas de données suffisantes pour affirmer qu'il s'agit de l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Un grand nombre de confrères quitte la profession avant 40 ans, pour plusieurs raisons et notamment ce décalage ressenti entre ce qu'ils attendaient du métier et sa réalité. Le sujet de l'attractivité des zones rurales ou des filières animales est un facteur majeur à considérer.
Plus qu'une question de sexe, c'est une question générationnelle et d'équilibre souhaité entre vie personnelle et professionnelle. De ce fait, il y a des vétérinaires formés qui ne vont jamais exercer et d'autres qui arrêtent très tôt, d'autres encore exercent à temps partiel ou en salariat, ce qui augmente la tension en termes de ressources humaines nécessaires, avec de grandes difficultés de recrutement dans toutes les entreprises vétérinaires.
La résultante est le renoncement aux productions animales, plus consommatrices de temps vétérinaire, qui entraîne un déficit numérique dans de nombreuses régions.
■ D.V. : La pratique vétérinaire en productions animales a-t-elle évolué avec la féminisation croissante de la profession et la considérez-vous comme un facteur limitant au sein de la SNGTV ?
C.B. : Non, la féminisation n'est pas un problème en productions animales. Le métier a changé avec de moins en moins d'actes, des actes moins physiques, un travail plus centré sur les suivis de fécondité, les plans de maîtrise sanitaire en élevage, etc.
A part quelques éleveurs encore récalcitrants à voir une femme vétérinaire effectuer un vêlage, la majorité de nos clients ont bien accepté cette féminisation et en sont même contents. C'est sans doute aujourd'hui un lieu commun que de dire que, dans le monde agricole, vétérinaire est un métier d'hommes. Avec les femmes, cela se passe tout aussi bien.
Du reste, je ne suis pas sûr que demain une discrimination positive basée sur le sexe aurait des effets positifs. En tout cas, cela ne changerait rien aux problématiques citées plus haut.
■ D.V. : Comment voyez-vous l'évolution du métier en productions animales si lesex ratione change pas ?
C.B. : L'évolution sera la même qu'il y ait plus d'hommes ou pas. Les vétérinaires font davantage carrière dans le salariat, changent de poste, de région. Notre métier est devenu un métier de services et le statut du vétérinaire a changé.
Pour ses clients, il est devenu un prestataire de services au même titre que les autres intervenant en élevage. La technicité des éleveurs a progressé et leurs attentes en matière de qualité des services rendus sont légitimes. Il appartient à notre profession d'être au rendez-vous de ces attentes. ■
* SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.