L'anesthésie au quotidien du chat

© Axience

Caroline DIDIER

L'auteur de cet article déclare participer à la réalisation de conférences et de webinaires sur l'anesthésie et l'analgésie des animaux de compagnie pour le laboratoire Axience ®. 

Encore plus que chez le chien, l'anesthésie et la sédation du chat sont indispensables à la réalisation de nombreux actes, avec un exercice lui aussi en constante évolution. L'espèce comme la discipline connaissant un essor tout particulier depuis une quinzaine d'années, notamment avec l'attention croissante portée au bien-être félin et à l'analgésie, l'éventail des médicaments disponibles ne cesse de s'élargir. Néanmoins le chat est un individu complexe, tant dans son comportement que dans son métabolisme particulier qui rendent dangereuse la transposition directe des principes et doses appliquées chez le chien. Dans ce contexte, il convient de repenser son approche de l'espèce féline en anesthésie à la lumière de ses particularités intrinsèques tout en respectant les bases de la prise en charge anesthésique pour toujours répondre aux besoins de l'animal ainsi qu'à ceux de l'acte nécessitant l'anesthésie. Dans cet article nous rappellerons donc comment aborder la méthodologie de mise en place d'un protocole anesthésique adapté au patient, les médicaments et associations possibles tout en illustrant les particularités anesthésiques de l'espèce féline.

CONCEPT D'ANESTHÉSIE BALANCÉ

Pour toute espèce, on reviendra toujours aux notions de base que sont les quatre objectifs principaux : narcose, analgésie, myorelaxation et sécurité du patient, dont la réalisation conjointe permet d'assurer au mieux le bien-être du patient. Toujours précédée d'une évaluation soignée du patient et des indications d'intervention, l'élaboration d'une prise en charge anesthésique adaptée au chat suppose ainsi de répondre aux exigences médicamenteuses détaillées dans le tableau mais surtout à celles de l'espèce.

Ici encore, il faut tenir compte de l'impossibilité de remplir ce cahier des charges à l'aide d'un seul et unique médicament, et donc la nécessité de revenir au concept d'anesthésie balancée déjà développé dans le précédent numéro de la Dépêche Technique. On recherchera également toujours chez le chat, comme chez le chien, la potentialisation des médicaments utilisés afin d'en réduire les doses et les effets non recherchés.

PARTICULARITÉS DE L'ANESTHÉSIE CHEZ LE CHAT

Prédateur tout autant que proie, le chat en possède donc les doubles caractéristiques. On se retrouve ainsi face à un individu considéré comme stressé par sa présence en terrain inconnu et hostile tel que la clinique vétérinaire, qui peut donc manifester des comportements d'anxiété variés allant de la prostration à l'agressivité parfois extrême. Si cette dernière nous enjoint souvent à la prudence lors des manipulations du patient, les conséquences du stress métabolique d'un chat en apparence calme ne doivent pas non plus être ignorées. Ainsi tout chat doit être manipulé dans le calme, sans contrainte excessive, dans un environnement adapté.

Particulièrement délétère à la mise en place des effets des médicaments sédatifs du fait notamment de l'augmentation du débit cardiaque, le stress causé par la phase de pré-anesthésie doit être réduit à son strict minimum. Ainsi on encouragera vivement la prémédication avant toute manipulation contraignante telle que pose de cathéter, par voie intra-musculaire notamment. Pour des chats particulièrement stressés il convient même d'envisager une prémédication par voie orale en pré-hospitalisation, avec de la gabapentine par exemple.

Par ailleurs, le risque d'hypothermie per-anesthésique est majoré chez le chat du fait de son gabarit et les moyens de réchauffement actif sont donc indispensables même pour une anesthésie de courte durée.

Il possède de plus des voies aériennes supérieures plus fragiles et plus difficilement accessibles que le chien et va donc nécessiter des précautions lors d'intubation. Si celle-ci n'est pas obligatoire pour des anesthésies générales courtes (< 30 minutes) et sans risque majoré de régurgitation, elle reste obligatoire en cas de complications telle qu'une apnée d'induction et est absolument nécessaire dès lors que la durée d'anesthésie dépasse la demi-heure. Par ailleurs, une supplémentation en oxygène doit être systématiquement apportée lors de toute anesthésie générale y compris fixe. Lors de l'intubation, on prendra garde à utiliser un laryngoscope et de la lidocaïne topique en spray pour limiter le risque de spasme laryngé, à être atraumatique, ne pas gonfler le ballonnet de manière non nécessaire pour favoriser une perfusion trachéale correcte et surtout manipuler avec douceur le chat intubé. Ainsi on déconnecte la sonde et le circuit à chaque changement de position de l'animal et on le transporte sur une table roulante ou un brancard en soutenant toujours la tête et le cou lors de changement de support afin de limiter le risque de brèche trachéale.

Enfin, son métabolisme particulier notamment par défaut de glucurono-conjugaison le rend plus sensible au risque de réveil prolongé par accumulation plasmatique de principe actif, d'autant plus si l'hypothermie est mal gérée et qu'il ne reçoit pas de fluidothérapie. 

ÉTAPES DE L'ANESTHÉSIE 

Chez le chat comme chez le chien, on découpe la période per-anesthésique en quatre grandes étapes que sont la prémédication, l'induction, la maintenance et le réveil. Les objectifs à atteindre restent les mêmes et ne seront donc pas détaillés dans cet article.

On rappelle tout de même qu'il convient de ne pas confondre anesthésie fixe et absence des lignes de vie élémentaires que sont la pose d'un cathéter veineux, y compris pour une durée inférieure à 30 minutes, et l'intubation ou la capacité d'intubation immédiate et effective en cas de complication (si < 30 minutes). Pour cela, une surveillance per-anesthésique minutieuse est donc de mise.

Le tableau de cet article ne présente pas tous les médicaments disponibles et le lecteur est renvoyé à la bibliographie pour l'utilisation notamment de l'acépromazine, du fentanyl, de l'alfaxalone et des anti-inflammatoires, qui s'inscrivent par ailleurs dans le même concept d'anesthésie balancée.

Comme pour le chien, le plan de maintenance peut être choisi fixe ou dynamique en fonction de la durée de l'acte, de son caractère plus ou moins invasif, des besoins et éventuelles contre-indications liées à l'animal. L'analgésie doit également être multimodale et réfléchie dès le début de la préparation anesthésique et réadaptée jusqu'au retour du patient à la maison.

Article paru dans La Dépêche Technique n° 198

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