Infections bactériennes et fongiques chez le chien atopique : les syndromes de prolifération de surface

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Syndrome de prolifération de surface chez un west Highland white terrier atopique, noter l'alopécie l'érythème, l'hyperpigmentation et la lichénification.

© Service dermatologie ENVT

Charline PRESSANTI

Dip. ECVD

Ecole vétérinaire de Toulouse

Dermatologie

Les modifications cutanées engendrées par la dermatite atopique canine sont à l'origine d'états cutanés infectieux de trois types principalement : les syndromes de prolifération de surface, les pyodermites superficielles et les pyodermites profondes. Ces deux dernières entités seront abordées dans un prochain article.

La dermatite atopique canine est responsable d'un état inflammatoire cutané chronique à l'origine d'une dysrégulation de l'homéostasie cutanée. Le prurit entraîne un défaut de différenciation de l'épiderme ; l'inflammation est responsable d'une augmentation du pH et d'un changement de composition du film lipidique superficiel et d'une augmentation des sécrétions sudoripares (hyperhidrose) et sébacées.

Toutes ces modifications vont concourir à modifier la flore commensale et favoriser le développement d'une flore nomade, qui, profitant de cette altération cutanée, se reproduit en excès dans la couche cornée (syndrome de prolifération de surface) et peut pénétrer dans l'épiderme (pyodermite superficielle) ou le derme (pyodermite profonde).

Il est admis à l'heure actuelle que les staphylocoques sont plus nombreux à la surface de la peau chez le chien atopique et que leur adhérence est augmentée, en particulier sur les peaux inflammatoires. Les levures lipophiles du genre Malassezia jouent également un rôle primordial dans la pathogénèse de la dermatite atopique.

La pullulation de ces agents s'accompagne d'une séborrhée, d'une forte odeur et, dans les formes plus chroniques, d'une hyperpigmentation et d'une lichénification.

Augmentation du niveau de démangeaison

Les états infectieux cutanés accompagnent donc très souvent la dermatite atopique et peuvent être à l'origine d'une augmentation significative du niveau de démangeaison. Certains chiens peuvent même développer de véritables états d'hypersensibilité vis-à-vis de ces agents infectieux expliquant l'augmentation majeure du prurit lors d'infection chez ces individus.

Certaines études ont démontré une plus grande prévalence des IgG et IgE dirigées contre les Malassezia et les staphylocoques chez l'individu atopique en comparaison avec le chien sain. Certains antigènes staphylococciques peuvent également constituer des superantigènes et générer une réponse immunitaire marquée et violente qui va exacerber les signes cutanés. Ces infections de surface, superficielles ou profondes, contribuent également à l'altération de la barrière cutanée déjà primitivement déficiente chez le sujet atopique.

Ainsi, le traitement des infections fongiques ou bactériennes constitue une des modalités essentielles de prise en charge lors de dermatite atopique. Un traitement adapté à la nature de l'infection et sa profondeur permet une meilleure stabilisation de l'animal et évite les complications majeures et graves qui peuvent accompagner les pyodermites profondes notamment (douleur, résistances bactériennes, septicémie).

Antibiotiques avec modération

Par ailleurs, le caractère chronique de la dermatite atopique, son caractère incurable peuvent prédisposer les individus touchés au développement de pyodermite récidivantes.

Une utilisation fréquente des antibiotiques à des doses inadaptées ou sur des durées trop courtes peut favoriser le développement de résistances bactériennes. Dans un contexte sanitaire où l'émergence de ces résistances constitue un véritable problème de santé publique, il apparaît primordial de traiter correctement ces infections et de prendre en charge les causes primaires à l'origine de ces troubles.

Syndromes de prolifération de surface : identifier les agents infectieux

Parfois improprement nommés ou confondus avec les pyodermites superficielles, les syndromes de prolifération de surface sont souvent présents lors de dermatite atopique. Il s'agit d'une pullulation d'agents infectieux en surface de la peau, au sein de la couche cornée et du film lipidique superficiel.

Le rancissement des lipides de la surface cutanée, la modification du pH vers l'alcalinisation favorisent le développement des agents infectieux et sont responsables d'une séborrhée et d'une forte odeur (photos n° 1 et 2).

Les bactéries ne sont pas les seuls agents à se développer : les levures de type Malassezia peuvent également suivre le même processus. Les Anglo-saxons parlent de BOG (bacterial overgrowth) ou de MOG (Malassezia overgrowth). Les deux agents infectieux peuvent coexister chez un même animal.

Il faut avoir recours à un examen cytologique de type scotch test pour identifier les agents infectieux impliqués (Malassezia, bactéries de type coccis plus rarement de type bacilles). Aucune norme quantitative précise n'existe et il est essentiel de se détacher de cet aspect « comptage ».

La présence des agents infectieux, leur quantité relative doivent être interprétés à la lumière des signes cliniques, de la race et du site prélevé.

Dans ce contexte, un traitement topique est à privilégier et tout particulièrement le shampooing.

Eliminer les débris et la séborrhée

Son action mécanique et les agents lavant qu'il contient permettent l'élimination des débris et de la séborrhée. Les agents infectieux adhérents aux cornéocytes seront éliminés en même temps que les cellules épithéliales de surface.

Dans un contexte de forte séborrhée associée à ces proliférations, il est pertinent d'associer deux types de shampooings. La forte odeur associée à ces syndromes, élément souvent rapporté et déploré par les propriétaires, est plus rapidement traitée et contrôlée. Un premier shampooing kératolytique et lavant est appliqué, posé durant 3 à
5 minutes, rincé puis, immédiatement après, un shampooing antiseptique est appliqué avec un temps de pose de 10 minutes puis rincé.

Le rythme des shampooing doit être ajusté à la gravité de la dermatose et son étendue. Pour les formes sévères, un rythme soutenu de deux à trois fois par semaine est recommandé pendant les 2-3 premières semaines de traitement.

Pour les proliférations bactériennes, un shampooing contenant 3, voire 4 %, de chlorhexidine est recommandé (tableau). Son action sera efficace sur les coques comme sur les bacilles. L'efficacité sera équivalente, voire meilleure, que celle liée à une antibiothérapie.

Éviter les antibiotiques dans cette indication

Dans un contexte d'utilisation raisonnée des antibiotiques, il est primordial d'éviter leur utilisation dans cette indication.

Pour les proliférations fongiques liées à Malassezia ,
il est recommandé d'utiliser un shampooing associant 2 % de chlorhexidine et 2 % de miconazole (tableau). Il s'agit d'un produit disposant d'une AMM pour le chien et dont l'indication est « dermatite à Malassezia  ». L'utilisation de la chlorhexidine à 3 % est possible mais son efficacité est moindre dans cette indication.

Pour les animaux pour lesquels les soins locaux sont impossibles, il est possible d'utiliser le kétoconazole à la dose de 5-10 mg/kg/12-24 h ou l'itraconazole à raison de 5 mg/kg/24 h ou deux jours consécutifs. Cette utilisation est hors AMM en France.

Dans le cadre d'une infection mixte, les cytologies permettent de préciser la flore dominante et d'adapter le choix du shampooing en fonction.

Soins locaux sans rinçage

Dans tous les cas, la fréquence des shampooings doit être adaptée. Afin de ralentir le rythme d'utilisation, des soins locaux sans rinçage (mousses) peuvent être utilisés entre les bains. Récemment, une étude a montré l'intérêt des lingettes imprégnées de chlorhexidine 3 % et d'ophytrium (tableau n° 1) pour le traitement des petites surfaces cutanées lors de surinfections bactériennes et/ou fongiques.

Les shampooings antiseptiques et antiséborrhéiques par leur caractère astringent, lavants (surfactants) peuvent aggraver et majorer le déficit de barrière cutanée associé à la dermatite atopique. Leur utilisation doit donc être adaptée au cours du temps, en fonction des signes cliniques et des examens cytologiques de contrôle.

Des shampooings hydratants et des émollients non gras (propylène glycol) en spray doivent être utilisés pour compenser ces pertes en eau.

Bibliographie sur demande auprès de La Dépêche Vétérinaire.

Un prochain article traitera des pyodermites superficielles et profondes.

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Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1618

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