BI Journée mondiale des vétérinaires

Faire évoluer l'enseignement vétérinaire : un séminaire de la FSVF livre des pistes de réflexion

Ce séminaire inscrit dans le cadre de la révision du référentiel en cours par la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (ministère de l'Agriculture).

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Valérie DUPHOT

Prospective

Etudiants, praticiens, spécialistes, inspecteurs de santé publique vétérinaire, vétérinaires de l'industrie et enseignants ont présenté leur vision du vétérinaire de demain et du besoin en formation lors du séminaire sur l'ensei­­gne­ment vétérinaire organisé par la Fédération des syndicats vétérinaires de France, le 2 avril, à la Maison des vétérinaires, à Paris. Notre consoeur Vanessa Louzier (professeur de physiologie, pharmacodynamie et thérapeutique, VetAgro Sup) insiste sur la nécessité de proposer un système de connaissances puissant, éclairé par la recherche, pour développer l'assise des politiques publiques et guider l'innovation et l'avenir de la santé animale.

« L'enseignement vétérinaire est marqué par une inflation du savoir cognitif », a déclaré notre confrère Jean-Yves Gauchot (président de la FSVF*) en ouverture du séminaire sur l'enseignement vétérinaire organisé par la FSVF, le 2 avril, à la Maison des vétérinaires, à Paris. « Des intervenants - étudiants vétérinaires, praticiens, spécialistes, inspecteurs de santé publique vétérinaire, vétérinaires de l'industrie, enseignants - vont présenter leur vision du vétérinaire de demain, sa place, sa fonction dans la société lors de cette journée ».

Notre confrère Christophe Degueurce (directeur de l'école nationale vétérinaire d'Alfort) a rappelé que la classe préparatoire d'entrée dans les écoles nationales vétérinaires (ENV) a été créée en 1942 et qu'après une augmentation globale depuis 1945, le recrutement dans les ENV a été revu à la baisse en 1986 par le ministre de l'Agriculture de l'époque, François Guillaume : « Cela était dû à l'angoisse de la profession vétérinaire qui craignait un excès démographique en raison de la libre circulation au sein de l'Europe ». Ce recrutement est passé de 540 à 400 étudiants. Il a à nouveau augmenté à partir de 2007 pour dépasser 800 étudiants en 2023. « Il ne faut pas avoir peur de cet excès démographique Notre société a besoin de renforcer la présence de vétérinaires dans la droite ligne du concept Une seule santé », insiste Jean-Yves Gauchot.

« Le référentiel de compétence français élaboré en 2017-2018 décrit les compétences attendues d'un étudiant à la fin de sa formation dans une ENV. Il est trop détaillé pour en faire un référentiel de formation. Il faut le reprendre pour que les ENV puissent se l'approprier. Il existe un référentiel européen plus synthétique dont la mise en oeuvre permet l'accréditation AEEEV**. Ainsi, pourquoi ne pas partir de ce référentiel pour construite notre référentiel de formation ? », a expliqué notre consoeur Caroline Prouillac (professeur de pharmacologie, VetAgro Sup, experte AEEEV). « Le référentiel de formation est une déclinaison du référentiel de compétences vétérinaire adaptée au contexte local. Il faut s'interroger sur le profil de sortie souhaité pour les étudiants et sur le niveau de développement des compétences ».

Compétence multi-dimensionnelle et interdisciplinaire

Savoir, savoir-faire, savoir-être : Caroline Prouillac explique que « la compétence est multi-dimensionnelle et interdisciplinaire ». Ce n'est pas qu'une capacité ou un savoir-faire mais un processus que l'apprenant met en place, mobilisant des ressources et lui permettant de s'adapter à un problème professionnel. « La compétence ne s'automatise pas. Le développement d'une compétence se fait progressivement et se poursuit tout au long de la vie professionnelle. C'est un processus dynamique qui permet de s'adapter à l'incertitude des contextes professionnels », insiste-t-elle. « La mise en place d'une approche compétence en enseignement est une opportunité ou un moyen de réfléchir collectivement et de manière cohérente au diplôme ».

En pratique, elle passe par une alternance entre situations d'apprentissage de ressources (savoirs, savoir-faire) et situations d'apprentissage intégratifs basées sur des problèmes (fermés à ouverts) où l'on apprend à mobiliser ces ressources dans des contextes authentiques significatifs et représentatifs que l'étudiant peut rencontrer dans sa vie professionnelle. « Cela passe par l'utilisation de situations d'évaluation interdisciplinaire, avec des niveaux d'atteinte progressifs de la compétence, et la remédiation ciblée sur les difficultés des étudiants en situations complexes, pas seulement sur les ressources », précise Caroline Prouillac. « Il est temps de penser aux parcours de l'étudiant et de les rendre cohérents avec son futur métier et de repenser comment on forme ces professionnels à l'avenir et de transformer l'enseignement vétérinaire en profondeur en remettant l'étudiant au centre de sa formation ».

Nombreux enjeux émergents

Face à deux questions - quelles sont les attentes des étudiants et les ENV forment-elles bien les vétérinaires de demain ? -, Leo Daigue (étudiant à VetAgro Sup) a expliqué que les étudiants vétérinaires avaient des attentes claires : davantage de pratique, d'immersion, de contacts avec des vétérinaires. « Il existe de nombreuses pistes face à de nombreux enjeux émergents : intelligence artificielle, transition agro-écologique... », indique-t-il.

Après avoir rappelé son cursus et ses stages, notre consoeur Françoise Bussiéras (secrétaire générale du SNVEL***) a déclaré que les praticiens lui avaient appris la façon dont elle voulait travailler ou pas et quelle vétérinaire elle voulait être. « Ce qui m'a manqué, ce sont le respect et le manque de reconnaissance entre les parties prenantes », complète-t-elle.

Notre consoeur Chantal Ragetly (spécialiste en chirurgie) a rappelé que 27 spécialités étaient reconnues par le board européen et insisté sur l'importance de la coopération des vétérinaires spécialistes avec les vétérinaires généralistes. La France compte quatre diplômes d'études spécialisées vétérinaires et reconnaît la plupart des boards européens.

« Un peu moins de 900 vétérinaires fonctionnaires de l'Etat travaillent dans différents ministères, agences, offices... Ils doivent avoir des compétences en management, savoir travailler en réseau, s'adapter, être autonomes et résilients car ils gèrent des situations complexes et des crises, avoir des connaissances en droit, en diplomatie... », a indiqué notre confrère Stéphan Pinède (président du SNISPV****).

Notre confrère Arnaud Deleu (directeur des affaires économiques du SIMV*****) a indiqué que 350 vétérinaires travaillaient dans l'industrie du médicament, dont 25 % avaient un rôle technique. Les autres travaillent dans le marketing, la R & D, la réglementation, la vente, la production et les relations publiques.

710 offres par an dans l'industrie pour les jeunes diplômés

« L'industrie du médicament vétérinaire propose 710 offres d'emploi pour de jeunes dipômés sur une année », précise-t-il. Il liste les compétences attendues : aisance relationnelle, maîtrise de l'anglais, capacité d'analyse et de synthèse, expression écrite et orale, rigueur, sens de la pédagogie, orientation business, créativité...

« La profession vétérinaire a de l'avance sur les autres professions libérales car elle bénéficie d'un système d'accréditation indépendant et associatif des établissements d'enseignement vétérinaire », a rappelé notre confrère Thierry Chambon (président des équipes de visites AEEEV).

Enfin, notre consoeur Vanessa Louzier (présidente de la Fédération syndicale des enseignants des écoles vétérinaires françaises, professeur de physiologie, pharmacodynamie et thérapeutique, VetAgro Sup) a indiqué que près d'une douzaine de nouveaux collèges vétérinaires ont été annoncés en 2022 et 2023 aux Etats-Unis. « Pour répondre à une pénurie mondiale de vétérinaires, le marché mondial de l'enseignement vétérinaire est en expansion. Une cinquième ENV en France aurait du sens mais l'Etat ne va pas augmenter son budget », ajoute-t-elle. Le nombre d'étudiants vétérinaires augmente en France mais le budget de l'Etat n'augmente pas autant.

Vanessa Louzier insiste sur les impératifs de l'enseignement vétérinaire en France : « Un système de connaissances puissant, éclairé par la recherche scientifique, est essentiel pour développer l'assise des politiques publiques et guider l'innovation et l'avenir de la santé animale ».

« Comment penser l'enseignement vétérinaire de demain ? Il faut cultiver l'intelligence, l'imagination et la vision collectives pour créer l'avenir de l'enseignement et de la profession vétérinaire de demain », conclut notre consoeur.

La journée s'est poursuivie par la tenue d'ateliers qui a permis aux participants de plancher sur quatre grandes thématiques (lire ici).

A l'issue de leur restitution l'après-midi, Jean-Yves Gauchot a conclu sur la nécessité de reconduire « ce genre de séminaire régulièrement ».

Cette année, il s'est inscrit dans le cadre de la révision du référentiel en cours par la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (ministère de l'Agriculture). Des recommandations vont être formulées comme lors de l'édition de 2019. En outre, les recommandations de la FSVF seront échangées avec l'Ordre des vétérinaires qui a travaillé sur la définition des référentiels métiers ou de compétences.

* FSVF : Fédération des syndicats vétérinaires de France.

** AEEEV : Association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire.

*** SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.

**** SNISPV : Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire.

***** SIMV : Syndicat de l'industrie du médicament et diagnostic vétérinaires.

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Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1749

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