Dermatite atopique chez le chiot : diagnostic et prise en charge précoces sont la clé
Mercredi 30 Mars 2022 Animaux de compagnie 43559Signes précoces de dermatite atopique chez un chiot golden retriever : discoloration et érythème au niveau du plis labial et xérose ventrale.
© Amaury Briand
Amaury BRIAND
Advetia Velizy
École vétérinaire d'Alfort Chuva
Clinique des acacias, Orléans
Dermatologie
Bien que l'on considère que l'âge moyen d'apparition d'une dermatite atopique canine s'établit entre 6 mois et 3 ans, des signes cliniques sont repérables plus tôt chez certains chiots. Ils ne sont pas toujours associés à du prurit. Un diagnostic et une prise en charge précoces présentent un intérêt réel.
La dermatite atopique canine est une maladie inflammatoire chronique qui est associée à la fois à un trouble de la barrière cutanée et à une inflammation anormale de la peau (associée ou non à une sensibilisation à des allergènes environnementaux ou alimentaires). La théorie outside - inside - outside , développée en médecine humaine, illustre bien le lien existant entre défaut de barrière cutanée et inflammation : une altération préexistante de la barrière cutanée est à l'origine de phénomènes pro-inflammatoires qui entretiennent à leur tour et aggravent le défaut de barrière cutanée 1 .
Dès la première consultation vaccinale
En général, on considère que l'âge d'apparition des premiers signes de dermatite atopique est compris entre 6 mois et trois ans 2 . Néanmoins, il existe des signes cliniques repérables chez certains individus dès la première consultation vaccinale. Ce sont en général des signes cliniques discrets et qui ne sont pas toujours associés à du prurit.
C'est ce qu'il ressort d'une étude préliminaire effectuée dans le cadre d'une thèse vétérinaire réalisée à l'école vétérinaire d'Alfort, en 20183, sur des chiots présentés en consultation vaccinale puis suivis 6 mois plus tard : la xérose cutanée (des coussinets et du ventre), la discoloration du pelage et l'érythème sur les zones des plis (notamment le pli labial, entre les coussinets et au niveau du ventre) ou la présence ou un antécédent d'otite externe sont des signes cliniques annonciateurs d'une dermatite atopique (photos).
Bien souvent, les chiots avec un diagnostic précoce ne présentent pas encore de prurit marqué.
Troubles gastro-intestinaux récidivants
Plus récemment, une étude de l'université de Zurich en Suisse, réalisée sur une centaine de west Highland white terriers suivis dès les premiers mois de vie, confirme que le diagnostic de la dermatite atopique peut intervenir précocement avant 6 mois 4 . La majorité des chiens atopiques présentait d'ailleurs des lésions localisées (pododermatite, chéilite, otite...). Un point intéressant relevé dans cette étude, parfois rapporté par les propriétaires, est la présence de troubles gastro-intestinaux récidivants plus fréquents chez les chiens atopiques (60 %) que chez les chiens non atopiques (35 %) 4 .
La dermatite atopique est donc une maladie que l'on peut diagnostiquer, ou en tout cas suspecter, assez tôt chez les jeunes chiots qui présentent ces signes cliniques. L'intérêt est alors de pouvoir sensibiliser rapidement les propriétaires à cette maladie chronique en instaurant rapidement des traitements visant à renforcer la barrière cutanée par exemple. En effet, l'utilisation de soins locaux hydratants et émollients, en renforçant une barrière cutanée défectueuse, peut freiner la progression de la maladie.
Importance des soins locaux
Les soins locaux sont un des piliers du traitement de la dermatite atopique canine et les introduire dès le jeune âge contribue à une meilleure éducation thérapeutique, aussi bien pour les chiots que pour leurs propriétaires.
Même si la dermatite atopique est une cause fréquente de prurit, il est important de rechercher et d'exclure d'autres dermatoses prurigineuses qui peuvent toucher les chiots. C'est le cas notamment des parasitoses externes qui sont très fréquentes chez les jeunes tout juste adoptés, la vie en collectivité étant un facteur de risque important pour les parasitoses suivantes : pullicose, phtyriose, cheyletiellose, gale otodectique et sarcoptique. Il conviendra donc d'effectuer les examens complémentaires appropriés (peignage, tests à la cellophane adhésive, curetage auriculaire, raclages...) et de renforcer le traitement antiparasitaire si celui-ci n'est pas optimal au moment de la consultation.
Traiter les surinfections bactériennes
Il est également important d'identifier et de traiter les surinfections bactériennes ou fongiques qui peuvent aussi être à l'origine de prurit. Une fois encore, les soins locaux sont à privilégier afin d'éviter l'utilisation d'antibiotique dès le plus jeune âge.
Chez certains chiots atopiques, le prurit est parfois marqué et nécessite un traitement spécifique. Une corticothérapie peut soulager rapidement le prurit mais s'accompagne rapidement d'effets secondaires qui en limitent une utilisation au long cours. Dans certains cas, lors de prurit modéré, l'utilisation d'antihistaminique peut apporter une amélioration et son bon profil d'innocuité en fait un outil intéressant chez les jeunes individus.
L'arsenal thérapeutique pour la gestion du prurit s'est étoffée ces dernières années avec l'arrivée successive de l'oclacitinib (inhibiteur de Janus kinases) puis du lokivetmab (anticorps monoclonal). Leur rapidité d'action et leur efficacité en font des outils très intéressants.
Préferer le lokivetmab chez les jeunes
Néanmoins, l'oclacitinib étant réservé aux animaux âgés de 12 mois et plus, l'utilisation du lokivetmab est donc à privilégier chez les jeunes animaux.
En cas de prurit persistant, la recherche d'allergies alimentaires ou environnementales est une demande fréquente de la part des propriétaires. La recherche d'une hypersensibilité alimentaire peut être initiée à l'aide d'un régime d'éviction, à condition que l'aliment sélectionné pour cela convienne à un animal en croissance. Les tests allergologiques pour rechercher une sensibilisation aux aéroallergènes sont en général réservés aux animaux adultes, considérant empiriquement que les jeunes individus n'ont pas encore eu le temps de se sensibiliser.
Il est donc possible de diagnostiquer une dermatite atopique chez les jeunes individus, et ce, dès les premières consultations. Cela permet une prise en charge précoce donc optimale, dès les premiers signes avant-coureurs.
Dans tous les cas, les soins locaux sont des alliés à privilégier dès les premiers signes et devront garder leur place au sein du vaste arsenal thérapeutique dont nous disposons actuellement pour traiter cette dermatose chronique qui accompagnera le patient (et son propriétaire) tout au long de sa vie. ■
Bibliographie
1 Weidinger S., Beck L.A., Bieber T., Kabashima K. and Irvine A.D., Atopic dermatitis. Nature review, Disease primers. 2018.
2 Wilhem S, Kovalik M, Favrot C. Breed-associated phenotypes in canine atopic dermatitis. Vet Dermatol 2010; 22: 143-149.
3 Pennamen M. Diagnostic précoce de la dermatite atopique canine, étude préliminaire et mise à jour des connaissances sur la dermatite atopique chez l'Homme et chez le chien. Thèse de doctorat vétérinaire. 2018.
4 Favrot C. , Fischer N. , Olivry T. , Zwickl L. , Audergon S. and Rostaher A. Atopic dermatitis in West Highland white terriers - part I: natural history of atopic dermatitis in the first three years of life. Vet Dermatol 2020; 31: 106-e16.