Circuit de soins entre référant et référent : un mode opératoire à trouver
La table ronde a réuni, de gauche à droite, nos confrères Eric Bomassi, Christophe Hugnet, Didier Fontaine et Sébastien Etchepareborde.
© M.L.
Maud LAFON
Exercice
Sujet sensible même s'il est de plus en plus assumé au sein de la profession, référer un cas à un confrère spécialiste, exerçant une autre discipline, dans un cadre d'urgences ou autre, nécessite d'adopter une conduite appropriée tant du côté du référant que du référent. Ce lien a été débattu lors des Rencontres de la profession au congrès national de l'Afvac*, le 27 novembre, à Marseille. Une communication claire et précoce assortie d'obligations et de droits mutuels, que le nouveau Code de déontologie devra préciser, est à la base d'un transfert réussi.
Les liens entre le vétérinaire référant, celui qui réfère un cas, et le vétérinaire référent, celui qui le reçoit, ont été débattus lors d'une table ronde organisée dans le cadre des Rencontres de la profession, session commune à l'Afvac*, le SNVEL**, l'Avef***, la SNGTV**** et Spevet, le 27 novembre, dans le cadre d'Afvac le Congrès, à Marseille.
La session a débuté par trois scénarios de mise en situation, en urgence et en médecine vétérinaire canine, pour préciser les attitudes convenables et celles à éviter. Ces jeux de rôle ont été incarnés par nos confrères Jean-François Rousselot, past-président de l'Afvac et coordinateur des Rencontres de la profession, Eric Bomassi, spécialiste en cardiologie, membre du Groupe d'étude en cardiologie et pneumologie de l'Afvac, Hameline Virevialle, présidente de l'Avef, Paul Périé, vice-président de la SNGTV, et Sébastien Etchepareborde, secrétaire du Groupe d'étude en chirurgie générale de l'Afvac.
A leur suite, nos confrères Eric Bomassi, Christophe Hugnet, conseiller du Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, Didier Fontaine, président de l'Afvac, et Sebastien Etchepareborde ont débattu avec l'assistance de la conduite à tenir dans ces situations de cas référés.
Notions à préciser dans le nouveau Code de déontologie
« Le référé s'envisage d'un généraliste vers un spécialiste, d'une discipline à une autre, dans une situation d'urgence... Ces relations diverses seront débattues dans la nouvelle mouture du Code de déontologie, prévue pour 2027 », a annoncé Eric Bomassi. « Ces notions devront être précisées tout comme les obligations mutuelles des vétérinaires », a ajouté Christophe Hugnet.
Premier point qui ne fait pas encore consensus : la distinction entre référer un cas et référer pour un examen complémentaire.
« Le motif de référé est rarement pertinent et, souvent, un vétérinaire nous réfère un cas parce qu'il ne le comprend pas et veut qu'il soit pris en charge par quelqu'un d'autre », a constaté Eric Bomassi.
La clinique de référé ne doit pas être le simple exécutant d'un examen demandé, qui n'est pas forcément du reste le plus approprié. « On réfère avant tout pour une expertise », a-t-il poursuivi et c'est le référent qui décide de ses examens, les explique et les motive.
Une communication en amont entre les praticiens, au cours d'échanges basés sur la confraternité, peut aplanir d'éventuelles différences de point de vue.
« Pour être structurée, la relation entre référant et référent doit être assumée, ce qui est heureusement de plus en plus le cas contrairement à autrefois où le vétérinaire devait être totipotent comme le stipule encore le Code de déontologie actuel. Ce n'est plus une honte de référer et le nouveau code devra l'entériner », a estimé Sébastien Etchepareborde.
Instaurer la confiance
Deuxième volet sensible : la confiance entre référant et référent. Elle est nécessaire pour l'aboutissement optimal de la démarche qui vise en premier les besoins de l'animal mais aussi son bien-être, celui du propriétaire et celui des vétérinaires.
« L'exercice vétérinaire est individuel et quand on réfère un cas, on doit le faire en confiance », a insisté Christophe Hugnet. Il a conseillé de préciser au propriétaire cette notion et que le référent était susceptible de proposer d'autres examens complémentaires que celui indiqué en première intention, voire même de le remplacer par une nouvelle approche.
Un autre domaine qui devra être éclairci dans le prochain Code de déontologie concerne la prise de rendez-vous. « En pratique et au vu de notre charge de travail, nous ne pouvons pas prendre les rendez-nous nous-mêmes pour le compte des clients », a indiqué Sébastien Etchepareborde.
De même, la communication entre référant et référent doit être raisonnée. Un seul média peut suffire, a précisé Eric Bomassi en proposant l'envoi rapide, idéalement dans la foulée de la consultation de référé, d'un rapport précisant ce qui a été réalisé et proposé au client. « Le vétérinaire référant doit être au courant quand son client va revenir vers lui », a-t-il ajouté.
Une problématique particulière concerne l'exercice itinérant. « Le devoir de transparence et de consentement éclairé du propriétaire concerne chaque vétérinaire », a souligné Christophe Hugnet. Il a rappelé que le contrat de soins n'était pas une simple feuille écrite mais un échange entre le vétérinaire et le propriétaire. « En cas de litige, le vétérinaire doit pouvoir justifier que le propriétaire avait compris. Rédiger un contrat de soins et le faire signer sans l'expliquer ne protège pas le vétérinaire », a-t-il insisté.
Cas particulier de la télémédecine
En ce qui concerne les litiges entre référant et référent, s'ils vont rarement jusqu'à la plainte ordinale, ils se traduisent le plus souvent par des récriminations.
Le cas particulier de la télémédecine est encore en souffrance. « Il s'agit d'une problématique de calendrier parlementaire. Les textes sont prêts depuis 2 ans, y compris ceux sur la télérégulation. En attendant, la doctrine qui a été en application pendant les 18 mois d'expérimentation, lors de la crise Covid, peut continuer à s'appliquer... tant qu'il n'y a pas de problème. Mais cela reste tout de même en dehors de tout cadre légal et donc dans un inconfort juridique », a expliqué Christophe Hugnet. Théoriquement, les textes devraient être publiés en même temps que ceux relatifs au suivi sanitaire permanent en productions animales, courant 2026, sauf si le Parlement change de nouveau.
« Nous faisons la même profession dans des disciplines complémentaires et ces échanges dans le cadre d'une démarche de référé doivent l'intégrer et rester basés sur la confraternité », a conclu Didier Fontaine.
« C'est une chaîne de soins. Tout le monde y a sa place mais doit comprendre qu'il a des obligations et des droits », a insisté Christophe Hugnet.
Assumer le référé, l'entourer d'une bonne communication et le gérer dans un cadre confraternel sont à la base d'une bonne relation référant-référent. ■
* Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie.
** SNVEL : Syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral.
*** Avef : Association vétérinaire équine française.
**** SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires.






