Alimentation et dermatite atopique canine : un vrai rôle thérapeutique

Contrairement à l'Homme, le chien est surtout allergique à des protéines animales et celles-ci présentent de très fortes réactions croisées. Elles sont telles qu'un régime à base de protéines sélectionnées (comme la viande de cheval largement utilisée depuis des décennies) peut manquer de sensibilité

© Pascal Prélaud - Advetia

Pascal PRÉLAUD

Dip. ECVD

Advetia Centre hospitalier vétérinaire

(78140 Vélizy-Villacoublay)

Dermatologie

Revoir le régime alimentaire d'un chien atopique fait partie intégrante de son traitement. C'est aussi une porte d'entrée du dialogue avec le propriétaire. L'approche nutritionnelle préventive de cette maladie est en cours d'investigation.

L'alimentation peut intervenir à plusieurs niveaux dans la dermatite atopique canine (DAC) : source d'allergènes, apport de nutriments permettant une restauration de la barrière cutanée et même prévention de la maladie. C'est aussi probablement une des pierres d'achoppement les plus fréquentes dans le dialogue avec les propriétaires, qu'ils soient accros au naturel, bio ou Barf, grain free, végans, anti-petfood, décortiqueurs de compositions, fans de compléments alimentaires ou sensibles à l'exotisme.

Il existe heureusement de nombreux travaux dans ce domaine, même s'il est parfois très difficile de faire un lien direct entre le vécu en pratique et les résultats de ces études.

Allergie alimentaire et DAC

Rôle de l'allergie alimentaire

L'allergie alimentaire joue un rôle indéniable dans le déclenchement de poussée de DAC chez certains animaux. Il est toutefois impossible de connaître la fréquence réelle de ces allergies tant les modes de diagnostic sont variables selon les études (amélioration ou guérison, avec ou sans provocation...).

Allergènes alimentaires

Chez le chien, les allergènes sont essentiellement des protéines d'un poids moléculaire de 10 à 70 kD.

Des études in vitro montrent qu'il existe des sensibilisations croisées au sein des trois grandes familles de sources de protéines : mammifères (viandes et produits laitiers), oiseaux et poissons.

Il en va de même pour les céréales avec par exemple des réactions croisées entre maïs, blé et pommes de terre par exemple.

Mener à bien un régime d'éviction

L'observance des régimes d'éviction est un véritable casse-tête et les modes sans gluten, végétarienne ou non industrielle sont venues grandement compliquer notre travail de prescripteur. Une étude basée sur l' health belief model , ou modèle de croyance en santé, vient corroborer cette impression :

- 60 % des propriétaires ne suivent pas rigoureusement le régime prescrit ;

- les propriétaires ayant des préjugés erronés ou qui n'entrevoient pas clairement le bénéfice du régime ou en voient surtout les inconvénients adhèrent mois bien à ce régime ;

- par contre, les propriétaires ne remettent pas en cause l'hypothèse diagnostique d'une allergie alimentaire.

Par conséquent, la mise en place d'un régime d'éviction ne peut se faire correctement que si le propriétaire et le clinicien sont totalement engagés dans le processus.

Deux nouvelles données pourraient nous faciliter la vie. Une étude récente montre que l'association d'une corticothérapie de 2 semaines en début de régime permet de réduire très significativement la durée du régime à 2 semaines sans nuire à son interprétation.

Une seconde étude montre que le délai de rechute lors de la provocation est observé dans les 3 à 6 heures dans un quart des cas, 60 % dans la demi-journée.

Rôle thérapeutique de l'alimentation

La nutrition est un des piliers du traitement de la DAC. C'est même celui qui peut s'appliquer à tous les chiens atopiques. Les aliments dédiés visent deux cibles : l'inflammation cutanée et la barrière cutanée. Une étude récente de l'université de Zürich vient d'en apporter une preuve assez spectaculaire.

Des chiens atopiques ont été nourris (en double aveugle strict) avec un aliment classique ou avec ce même aliment enrichi en acides gras essentiels, en curcuminoïdes (anti-oxydants) et glycyrrhizine (extrait de réglisse, action anti-allergique).

Dans ce type d'étude, le critère le plus intéressant à suivre est le score de consommation médicamenteuse. En effet, les scores cliniques sur des animaux qui sont traités en permanence est peu pertinent. Ici, le score de consommation baisse significativement au bout de 3 mois et continue de décroître de façon spectaculaire jusqu'au 9 e mois.

C'est donc à la fois un gain en termes de qualité de vie pour l'animal mais aussi pour le propriétaire (moins de soins, plus faible coût de traitement). Attention, ces études sont limitées aux formes modérées de la maladie. Il n'existe aucune donnée sur l'intérêt des interventions nutritionnelles dans les formes graves de la DAC.

Place de l'alimentation dans la prévention

Il pourrait être tentant chez les chiots de race à risque de proposer une alimentation partiellement hydrolysée dès le plus jeune âge. Cela permettrait de limiter le risque de sensibilisation digestive.

Il n'existe toutefois aucune donnée sur ce sujet et de telles recommandations sont abandonnées aujourd'hui en médecine humaine (seuls les laits hydrolysés sont utilisés chez les bébés allergiques mais pas à titre préventif) (tableau n° 1).

Les études épidémiologiques sur l'influence de l'alimentation ménagère ou non sont aujourd'hui peu recevables parce qu'entachées de nombreux biais : les propriétaires de chiens atopiques pourraient être plus motivés que ceux des chiens témoins pour participer à l'enquête, tout comme ceux préparant une alimentation ménagère.

Une étude prospective en double aveugle portant sur des portées de chiens de race Labrador a montré que l'adjonction de différents nutraceutiques (nicotinamide, pantothénate, histidine, inositol et choline) à une alimentation déjà enrichie en acides gras chez la mère durant les cinq dernières semaines de gestation puis chez les chiots durant un an permet de limiter significativement le développement d'une DAC à l'âge adulte (animaux suivis 4 ans) : 10 sur 33 cas pour le placebo contre 2 sur 24 pour le verrum .

Ces nutraceutiques avaient démontré in vitro leur intérêt dans la restauration de la barrière cutanée, ce qui peut expliquer cet effet protecteur assez spectaculaire.

D'autres études, dans d'autres races, sont nécessaires mais ces résultats sont très encourageants.

Bibliographie sur demande auprès de La Dépêche Vétérinaire.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1639

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