Alerte à la fièvre aphteuse en Allemagne chez trois buffles d'eau
Mercredi 15 Janvier 2025 Animaux de rente 52441Les buffles d'eau ont été introduits en Allemagne à partir des années 1990 principalement pour lutter contre la prolifération d'espèces animales et de plantes invasives dans les zones humides difficiles d'entretien avec des engins mécaniques et souvent inaccessibles pour d'autres animaux domestiques.
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Jeanne BRUGERE-PICOUX
Professeur honoraire de l'école vétérinaire d'Alfort
Académie nationale de médecine
Académie vétérinaire de France
Jean-Luc ANGOT
Inspecteur général de santé publique vétérinaire
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
Epidémiologie
Un foyer de fièvre aphteuse a été détecté en Allemagne chez trois buffles d'eau élevés près de Berlin dans la région voisine du Brandebourg. Il n'y avait pas eu de cas en Allemagne depuis 1988 ou dans l'Union européenne depuis 2011.
Des dépêches de l'AFP et du laboratoire national de référence pour la fièvre aphteuse du Friedrich-Loeffler-Institut (FLI)1 nous ont appris, le 10 janvier, qu'un foyer de fièvre aphteuse a été détecté en Allemagne sur trois buffles d'eau élevés près de Berlin dans la région voisine du Brandebourg.
Tous les buffles du troupeau ont été abattus ainsi que les animaux des élevages voisins à risque pour éviter toute propagation de cette maladie virale extrêmement contagieuse à l'origine de pertes économiques très importantes.
Identifier le virus pour déterminer son origine
Les prélèvements réalisés sur les trois buffles infectés ont été envoyés, d'une part, au laboratoire national du FLI et, d'autre part, le seront au laboratoire de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de Maisons-Alfort, dirigé par notre confrère Stephan Zientara, car il s'agit du laboratoire de référence pour l'Union européenne (UE), l'Organisation mondiale de la santé animale (Omsa, ex OIE) et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations Unies (FAO).
L'identification au laboratoire de la souche de virus en cause pourrait aider déterminer l'origine de l'infection.
Les buffles d'eau ont été introduits en Allemagne à partir des années 1990 principalement pour lutter contre la prolifération d'espèces animales et de plantes invasives dans les zones humides difficiles d'entretien avec des engins mécaniques et souvent inaccessibles pour d'autres animaux domestiques.
De précédentes épizooties en Europe
Il n'y avait pas eu de cas en Allemagne depuis 1988 (le dernier foyer s'était déclaré en Basse-Saxe) ou dans l'UE depuis 2011.
Les précédentes épizooties observées en Europe ont concerné le Royaume-Uni en 2007 et la Bulgarie en 2011.
L'épizootie au Royaume Uni de 2007 était due à un virus de sérotype O, souche BFS, échappé suite à une faille dans les mesures de biosécurité du laboratoire mondial de référence de Pirbright (ce laboratoire a depuis été refait à neuf). Près de 2 000 bovins avaient été abattus.
Avant cet épisode, le Royaume-Uni avait été touché par une importante épizootie de fièvre aphteuse en 2001 concernant 2 030 exploitations. Les conséquences économiques ont été désastreuses : abattage d'au moins 6,5 millions d'animaux (bovins, ovins, porcins, caprins et animaux sauvages). La crise des secteurs agricole et touristique britanniques a eu un coût proche de 12 milliards d'euros2. Cette épizootie s'est étendue à l'Irlande, les Pays-Bas et la France soit 53 000, 285 000, 63 000 animaux abattus respectivement2.
L'épizootie de Bulgarie de 2011, la dernière connue dans l'UE selon l'Omsa, avait pour origine des sangliers ayant traversé la frontière turco-bulgare (plusieurs centaines d'animaux avaient été abattus).
Virus de la fièvre aphteuse : un risque exceptionnel pour l'Homme
Le virus de la fièvre aphteuse est un virus à simple brin d'ARN (aphtovirus) de la famille des Picornaviridae. Il affecte principalement les ruminants et les porcs. Il se transmet par contact direct entre les animaux infectés mais aussi de façon indirecte par tous les objets, surfaces, produits... contaminés.
L'Homme peut favoriser la contamination en cas d'absence d'application des mesures de biosécurité recommandées. Des cas de transmission aérienne ont été également signalés. Le virus est résistant dans le milieu extérieur mais il est inactivé par un chauffage à 70° C pendant au moins 30 min.
La question du risque zoonotique de la fièvre aphteuse a été souvent débattue. Certains, comme le FLI, concluent à l'absence d'un risque pour l'Homme1. Néanmoins de rares cas ont été signalés dans la littérature. Même si l'incidence de la maladie chez l'animal est élevée, son apparition chez l'Homme est assez rare. Les symptômes sont bénins. Ils se traduisent par l'existence de cloques sur les mains ou d'autres zones exposées, parfois accompagnés de fièvre, de maux de tête ou de maux de gorge. Les patients se rétablissent en quelques jours.
Le dernier cas humain en Grande-Bretagne remonte à l'épizootie de 19663. Le virus a été isolé et typé (type O, suivi du type C et rarement du type A) dans plus de 40 cas humains4.
L'Homme se contaminerait par contact avec les animaux infectés ou par la consommation de lait cru5. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) de Stockholm recommande d'éviter le contact avec les animaux infectés et la consommation de leurs produits non suffisamment chauffés6.
La fièvre aphteuse est essentiellement une maladie animale et n'a rien à voir avec la maladie humaine généralement bénigne causée principalement par le virus Coxsackie A et connue sous le nom du « syndrome pieds-mains-bouche » rencontrée principalement chez les enfants7. Celle-ci provoque généralement de la fièvre et une éruption cutanée généralisée (papulovésicules) dans la bouche, sur les paumes, les doigts et la plante des pieds pendant une dizaine de jours. Cette maladie n'affecte pas les animaux.
En conclusion, il faut espérer que ce foyer allemand sera limité du fait du faible nombre de buffles atteints, présents dans un milieu naturel et non dans un élevage ainsi que de la distance géographique entre Berlin et la frontière française. Néanmoins la prudence est de règle avec cette maladie considérée comme la plus contagieuse en santé animale et de l'interdiction de la vaccination décidée depuis le 1er avril 1991 pour des raisons économiques (exportations). ■
1 Friedrich-Loeffler-Institut (FLI). FLI confirms foot-and-mouth disease in Brandenburg water buffalo [Internet]. 2025. Disponible sur : https://www.fli.de/en/news/short-messages/short-message/fli-confirms-foot-and-mouth-disease-in-brandenburg-water-buffalo/.
2 Parlement européen. Fièvre aphteuse : leçons à tirer et mesures à prendre. Journal officiel de l'Union européenne [Internet]. 17 déc 2002 ; Disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52002IP0614.
3 CDR weekly. Foot and Mouth Disease outbreak - no threat to public health. Commun Dis Rep CDR Weekly 2001:11 [Internet]. 2001. Disponible sur : http://www.hpa.org.uk/cdr/archives/2001/cdr0901.pdf.
4 Bauer K. Foot-and-mouth disease as zoonosis. In: Kaaden OR, Czerny CP, Eichhorn W, éditeurs. Viral Zoonoses and Food of Animal Origin [Internet]. Vienna : Springer Vienna ; 1997 [cité 11 janv 2025]. p. 95‑7. Disponible sur : http://link.springer.com/10.1007/978-3-7091-6534-8_9.
5 Prempeh H, Smith R, Müller B. Foot and mouth disease : the human consequences. The health consequences are slight, the economic ones huge. BMJ. 10 mars 2001 ; 322(7286):565‑6.
6 ECDC. Transmission of Foot and Mouth disease to humans visiting affected areas [Internet]. 2012. Disponible sur : https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/media/en/publications/Publications/TER-RRA-Transmission-of-foot-and-mouth-to-humans-visiting-affected-areas.pdf.
7 Capella G. Foot and mouth disease in human beings. Lancet. 2001; 358, 1374. http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(01)06444-3/fulltext.
Gros Plan : Recencement des mouvements en provenance d'Allemagne en France
Suite au foyer de fièvre aphteuse chez des buffles d'eau en Allemagne annoncé le 10 janvier, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a fait état, le même jour, dans un Flash Info adressé aux professionnels concernés, d'actions qu'elle a mises en place en France.
Ces actions coordonnées sont :
- le recensement des mouvements à risque depuis l'Allemagne vers la France, sur une période d'un mois ; à ce stade, les flux entrants sont faibles ;
- des échanges avec l'Anses* (laboratoire national pour la maladie de Maisons-Alfort, également laboratoire de référence pour l'Union européenne) sur la situation en Allemagne ; le LNR-Anses est en contact avec son homologue allemand.
La DGAL renvoie les professionnels aux compléments d'information suivants :
- sur l'actualité sanitaire du foyer en Allemagne : la plate-forme d'épidémiosurveillance a publié une note à l'adresse https://www.plateforme-esa.fr/fr/foyer-de-fievre-aphteuse-en-allemagne ;
- sur la fièvre aphteuse : https://agriculture.gouv.fr/maladies-animales-la-fievre-aphteuse. M.J.
* Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.